(La Haye) Après la victoire de l’extrême droite aux législatives néerlandaises, dont l’ampleur a surpris par-delà les frontières, une tâche ardue attend à partir de jeudi son dirigeant islamophobe Geert Wilders : convaincre ses rivaux de former une coalition.

Son Parti de la Liberté (PVV) a remporté 37 des 150 sièges au Parlement, plus du double que lors du scrutin de 2021, selon des résultats presque complets.

« Les électeurs ont parlé. Les sièges sont attribués. Il est maintenant important de voir sur quels points on peut se mettre d’accord », a dit M. Wilders, fêtant son succès au champagne.

S’adressant à ses partisans en liesse à La Haye après la sortie des urnes, M. Wilders a réitéré sa rhétorique anti-immigrés, affirmant que les Néerlandais avaient voté pour endiguer le « tsunami » des demandeurs d’asile.

Par la suite, il a toutefois déclaré aux journalistes qu’il souhaitait être le « premier ministre de tous les Néerlandais » et qu’il « travaillerait dur avec d’autres partis » pour former une coalition.

Mais la victoire inattendue de l’homme politique de 60 ans à la célèbre chevelure peroxydée ne lui assure pas ce poste.

L’alliance gauche-écologistes de Francs Timmermans, deuxième avec 25 sièges, a rejeté d’emblée toute coalition avec M. Wilders. « Le moment est venu pour nous de défendre la démocratie », a déclaré l’ex-dirigeant européen.

Dilan Yeşilgöz, cheffe de file du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD, centre droit, 24 sièges) du premier ministre sortant Mark Rutte, a lâché, après un résultat décevant, qu’il faudra voir si M. Wilders parviendra à forger une coalition.

Avant les élections, les dirigeants des trois principales forces politiques avaient assuré qu’ils ne participeraient pas à un gouvernement dirigé par le PVV. Mais ce dernier « ne peut plus être ignoré », a martelé M. Wilders.  

Novice sur la scène politique, Pieter Omtzigt, du nouveau parti anticorruption Nouveau Contrat social (NSC, 20 sièges), s’est dit « disponible » pour des négociations, tout en concédant que le processus ne serait « pas facile ».

« Ça dépendra entièrement du VVD », a déclaré à l’AFP Sarah de Lange, professeure de pluralisme politique à l’Université d’Amsterdam. « Une grande question sera de savoir qui sera premier ministre, car avec Wilders comme premier ministre, les Pays-Bas se trouvent dans une situation impossible au niveau international ».

« Nexit »

La victoire de M. Wilders devrait être accueillie avec appréhension à Bruxelles : M. Wilders, anti-UE et favorable à un « Nexit », a promis un référendum sur le maintien ou non des Pays-Bas dans l’Union européenne.

Certains ont réagi avec inquiétude aux Pays-Bas. « Les gens sont inquiets, certains ont peur » a déclaré à l’AFP Habib el Kaddouri, de la fondation pour les Néerlando-marocains SMN. « D’autres sont incertains quant à leur avenir » ou « leur place dans la société néerlandaise ».  

L’extrême droite européenne a, elle, salué cette victoire.

« Les Européens demandent de plus en plus que l’on défende leurs nations, leurs frontières, leurs droits », a déclaré le chef de la formation espagnole d’extrême droite Vox, Santiago Abascal, sur X.

Le premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban a salué sur le même réseau social « les vents du changement ». Pour la cheffe de file du Rassemblement national français Marine Le Pen, ce résultat « confirme l’attachement croissant à la défense des identités nationales ».

M. Wilders est parfois qualifié de « Trump néerlandais », mais il est en fait entré en politique bien avant l’ancien président américain.

N’hésitant pas à traiter les Marocains de « racailles » ou à proposer des concours de caricatures du prophète Mahomet, M. Wilders a bâti sa carrière en livrant bataille contre ce qu’il nomme une « invasion islamique » de l’Occident.   

Ni ses démêlés avec la justice – qui l’a reconnu coupable d’insultes envers des Marocains – ni les menaces de mort à son encontre – qui le font vivre sous protection policière depuis 2004 – ne l’ont découragé.

Plus récemment, il a tenté de calmer sa rhétorique populiste et de se concentrer sur d’autres préoccupations des électeurs que l’immigration, comme la crise du coût de la vie. Il s’était également dit prêt à mettre de côté ses opinions sur l’islam pour gouverner.

Mais le manifeste du PVV a conservé son ton xénophobe. Il propose le rétablissement du contrôle aux frontières néerlandaises, la détention et l’expulsion des immigrants illégaux, le renvoi des demandeurs d’asile syriens et la réintroduction des permis de travail pour les travailleurs intra-UE.

Son manifeste dit également que « les Pays-Bas ne sont pas un pays islamique. Pas d’écoles, de Corans et de mosquées ».