(Paris) « C’est quoi la prochaine étape, bientôt il faudra payer pour livrer ? » Les chauffeurs Uber ont manifesté samedi à travers la France, pour réclamer une meilleure rémunération après un changement dans l’algorithme du groupe qu’ils estiment désavantageux.

Malgré le froid, ils étaient une centaine à s’être rassemblés sur la place Stalingrad à Paris, chasubles de syndicat sur le dos et pour certains vélo à la main.

« Je suis là pour dénoncer cette nouvelle tarification qui a été faite de manière totalement unilatérale par Uber », a expliqué à l’AFP Adrien, livreur de 37 ans, qui ne souhaite pas donner son nom de famille. Deliveroo et Stuart, « c’est le même délire », a-t-il aussi critiqué.

Depuis le 10 octobre, un nouveau système a été mis en place par Uber Eats dans les agglomérations de Lille, Rouen et Valence, pour « valoriser le temps passé à réaliser la course », a justifié la plateforme qui travaille avec 65 000 livreurs.

Généralisée depuis le 1er novembre, cette nouvelle tarification « peut faire varier certaines courses à la hausse et d’autres à la baisse, mais ne vise pas à diminuer la rémunération moyenne par course », avait assuré vendredi à l’AFP Uber Eats, qui dit avoir même noté « une légère augmentation du revenu moyen par course de 1,4 % » dans les villes pilotes.

Mais des livreurs évoquent une autre réalité : « J’ai constaté que les courses à un ou deux kilomètres sont payées 2,85 euros sur Uber, alors qu’avant elles étaient à 3,30 euros », a affirmé Adrien, qui utilise Uber depuis 2020 et récemment aussi Deliveroo. « Il y en a ras-le-bol ! »

« Avec l’inflation, les salaires augmentent partout, on est les seuls à voir notre rémunération baisser. Ça sera quoi la prochaine étape ? 0,50  euro la course ? Devoir payer pour livrer ? », proteste celui qui a l’impression d’être la « variable d’ajustement » du système.  

« Pas rentable »

L’appel à la grève a été lancé par Union-Indépendants, la fédération CGT Transports et SUD Commerces. Paris, Bordeaux, Nice, Strasbourg, Lyon, Toulouse, Marseille : des mobilisations ont eu lieu dans 52 villes samedi, selon l’Union-Indépendants, « un chiffre inédit ».  

PHOTO CHRISTOPHE ARCHAMBAULT, AGENCE FRANCE-PRESSE

Manifestation à Bordeaux

À Bordeaux, une vingtaine de livreurs, accompagnés d’une dizaine de militants de la CGT et du porte-parole du NPA Philippe Poutou, se sont eux réunis place de la Victoire en fin de matinée pour réclamer l’amélioration de leur rémunération et de leurs conditions de travail.

« Ce n’est pas un travail rentable. Tu vas sacrifier toute ta journée pour avoir 50 euros », a dénoncé auprès de l’AFP Ousmane Doumbia, coursier Uber Eats de 22 ans. Les « courses de 2 km pour 3 euros, qui en réalité sont plus longues », si « tu les fais en moto, si tu comptes l’essence, l’Urssaf, l’entretien de la moto, à la fin tu n’as rien ».

« D’après nos estimations, le nouveau système entraîne une baisse [de rémunération] de 10 à 40 % », a assuré Lilian Pouill, livreur de 22 ans venu manifester à Paris. Résultat : « Je travaille plus pour compenser la perte. »

Pour Fabian Tosolini, délégué national de l’Union-Indépendants, « la mobilisation a été historique », notamment car elle a été très suivie dans de petites ville comme Périgueux, Brest et Auxerre.  

« Esclavage moderne »

Il n’avance cependant pas de chiffres précis sur le nombre de grévistes, mais affirme à l’AFP que « le vrai juge de paix, c’est le prix des courses », reflet de la pénurie de livreurs : celui-ci a grimpé dans la journée jusqu’à « 30 euros pour faire 100 m » dans certaines villes, dit-il.

La préfecture de police de Paris a elle recensé 150 personnes réunies place Stalingrad à Paris.

Selon la députée LFI Danielle Simonnet, présente au rassemblement parisien, les plateformes utilisent leur promesse de rémunérer au minimum horaire de 11,75 euros — sans comptabiliser le temps d’attente — pour « faire chuter le prix individuel de chaque course » pour les livreurs, ces « tâcherons du XXIe siècle ».

« Ça crée une situation d’esclavage moderne », a protesté David Belliard, élu à la mairie de Paris. M. Belliard demande à ces plateformes, qui « exploitent ces gens », de requalifier leurs contrats en salariat. Il regrette que ce système de rémunération pousse les livreurs « à prendre des risques inconsidérés pour eux et ceux qui sont autour ».  

« La plupart d’entre nous veulent rester indépendants », a affirmé Adrien, mais « avec un minimum de protection et surtout, une meilleure rémunération ! »