(Paris) Un tribunal français rend vendredi sa décision à l’issue du procès à huis clos de six anciens collégiens jugés pour leur implication dans l’assassinat djihadiste du professeur Samuel Paty en 2020, qui avait soulevé une onde de choc internationale.

L’enseignant en histoire-géographie de 47 ans avait été poignardé puis décapité en octobre 2020 près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d’origine tchétchène abattu dans la foulée par la police.

Le jeune islamiste radicalisé de 18 ans reprochait au professeur d’avoir montré des caricatures de Mahomet, lors d’un cours sur la liberté d’expression. Dans un message audio en russe, il s’était félicité d’avoir « vengé le Prophète ».

Cinq des prévenus, à l’époque âgés de 14 et 15 ans, ont comparu pendant deux semaines à Paris devant le tribunal pour enfants pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées. Ils sont accusés d’avoir surveillé les abords du collège et désigné M. Paty à l’assaillant, contre rémunération.  

Lisez le texte de Juditch Lachapelle « Ils veulent entendre leurs élèves »

Une sixième adolescente, âgée de 13 ans au moment des faits, a comparu pour dénonciation calomnieuse. Cette collégienne avait, à tort, soutenu que M. Paty avait demandé aux élèves musulmans de la classe de se signaler et de sortir de la classe avant de montrer les caricatures. Elle n’avait en réalité pas assisté au cours.

Le procès, qui s’est ouvert le 27 novembre, se termine vendredi matin avec les derniers mots des prévenus. Puis le tribunal se retirera pour délibérer et devrait rendre sa décision, en audience publique, en fin d’après-midi ou dans la soirée. Les prévenus, aujourd’hui lycéens, encourent deux ans et demi d’emprisonnement.  

Le procès s’est tenu sous un strict huis clos en raison de leur jeune âge au moment des faits. La presse avait même l’interdiction de rapporter, via la parole des avocats, ce qu’il s’est dit pendant les débats ou ce que le parquet antiterroriste a requis.  

Dans cette affaire, un second procès est prévu fin 2024 pour huit adultes, dont le père de la collégienne qui avait alimenté une violente campagne sur les réseaux sociaux contre l’enseignant.

« Besoin de comprendre »

Au premier jour d’audience, les jeunes prévenus étaient arrivés au tribunal le visage camouflé sous leurs manteaux, certains portant des lunettes de soleil ou un masque chirurgical, accompagnés de leurs parents et leurs avocats.

Avant eux, étaient entrés dans la salle certains proches de Samuel Paty, dont ses parents, visages fermés, ainsi qu’une dizaine d’anciens collègues du professeur qui ont demandé à se constituer parties civiles au procès, par « besoin de comprendre » avaient-ils expliqué en marge de l’audience.

L’enquête avait retracé comment, en dix jours, le piège s’était refermé sur Samuel Paty : du mensonge de la collégienne aux attaques sur l’internet, jusqu’à l’arrivée de l’assaillant devant le collège le 16 octobre, où il avait donné 300 euros à des collégiens pour identifier l’enseignant, qu’il voulait « filmer en train de s’excuser ».  

Lors d’auditions pendant l’enquête où ils s’étaient effondrés en larmes, ces collégiens avaient juré avoir imaginé que le professeur se ferait tout au plus « afficher sur les réseaux », peut-être « humilier », « taper »… mais « jamais » que ça irait « jusqu’à la mort ».

L’attentat était intervenu dans un contexte de menace terroriste élevée, alors que le journal Charlie Hebdo avait republié quelques semaines plus tôt des caricatures de Mahomet à l’occasion du procès des attentats de janvier 2015, quand 12 personnes avaient été tués au siège de l’hebdomadaire satirique par deux islamistes.  

L’émotion provoquée par ce crime a récemment été ravivée par l’assassinat, le 23 octobre 2023, d’un autre professeur en France, Dominique Bernard, tué à Arras, dans le nord du pays, par un jeune islamiste radicalisé.

La France a depuis de nouveau été touchée par un attentat, samedi 2 décembre, quand un islamiste radicalisé a poignardé à mort un jeune touriste germano-philippin près de la tour Eiffel à Paris et blessé deux autres passants.