Six ex-collégiens impliqués dans l’assassinat du professeur Samuel Paty en France par un jeune djihadiste en 2020 ont été condamnés vendredi à des peines de 14 mois de prison avec sursis à 6 mois de prison ferme, aménagés sous bracelet électronique.

Les avocats des proches de Samuel Paty ont immédiatement dénoncé des sanctions « pas à la hauteur » et qui envoient « un mauvais signal ».

« Un homme décapité dans une rue, ce n’est pas rien » et « je ne vois pas ce sursaut unanime de l’institution judiciaire, je ne vois pas cette révolte, ce stop », a déploré MVirginie Le Roy, avocate des parents et d’une sœur du professeur.

L’ex-compagne et mère de l’enfant de Samuel Paty est « consternée », a abondé son avocat, MFrancis Szpiner.

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L’avocat Francis Szpiner

Dans cette affaire qui avait suscité une onde de choc internationale, l’enseignant en histoire et géographie de 47 ans avait été poignardé puis décapité en octobre 2020 près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine, en région parisienne, par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d’origine tchétchène abattu dans la foulée par la police.

Le jeune islamiste radicalisé de 18 ans reprochait au professeur d’avoir montré des caricatures de Mahomet, lors d’un cours sur la liberté d’expression. Dans un message audio en russe, il s’était félicité d’avoir « vengé le Prophète ».

Parmi les ex-collégiens jugés devant le tribunal pour enfants pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées, cinq, à l’époque âgés de 14 et 15 ans, étaient accusés d’avoir surveillé les abords du collège et désigné M. Paty à l’assaillant, contre rémunération.

La peine la plus lourde, deux ans de prison dont six mois ferme aménagés sous bracelet électronique, a été prononcée à l’encontre de l’ex-collégien abordé par l’assaillant.

« Vous avez communiqué à l’assaillant la description physique et vestimentaire » du professeur et son « trajet », « vous êtes resté pendant plusieurs heures » avec lui et avez « favorisé » sa « dissimulation », lui a dit le tribunal. « Vous avez recruté d’autres collégiens afin de désigner » l’enseignant et organisé sa « surveillance », a-t-il aussi pointé.

« Mensonge persistant »

Quatre autres jeunes ont été condamnés à des peines allant de 14 mois à 20 mois avec sursis probatoire, soit assorties d’obligations, notamment de suivre un enseignement ou une formation et d’être suivi par des professionnels de l’enfance.

Une sixième adolescente, 13 ans au moment des faits, a elle été condamnée à 18 mois de sursis probatoire pour dénonciation calomnieuse. Cette collégienne avait, à tort, soutenu que M. Paty avait demandé aux élèves musulmans de se signaler et de sortir de la classe avant de montrer les caricatures de Mahomet. Elle n’avait en réalité pas assisté au cours.

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Plaque commémorative installée près du collège du Bois-d'Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine, où Samuel Paty enseignait

Le tribunal a souligné devant elle « un mensonge persistant » que l’adolescente a « reconnu », à l’origine d’une violente campagne alimentée sur les réseaux sociaux par son père, Brahim Chnina, et un militant islamiste, Abdelhakim Sefrioui.

Dans son jugement, lu en audience publique après deux semaines d’un procès à strict huis clos, le tribunal a précisé avoir pris sa décision au regard « de la gravité des faits » et de la « personnalité » et « évolution » des prévenus, alors que les infractions sont « parfaitement établies ».

« Culpabilité permanente »

Les prévenus, aujourd’hui lycéens, encouraient deux ans et demi d’emprisonnement.

En défense, MAntoine Ory a estimé la peine « juste », même si elle « ne sera jamais à la hauteur des souffrances infinies et éternelles des parties civiles ».

L’adolescente, elle, « ne se pardonne pas ce mensonge » et va « essayer d’avancer » avec « cette culpabilité permanente », a réagi son avocat, MMbeko Tabula.

Un second procès est prévu fin 2024 pour huit adultes, dont le père de la collégienne et Abdelhakim Sefrioui.

L’attentat était intervenu dans un contexte de menace terroriste élevée, alors que le journal Charlie Hebdo venait de republier des caricatures de Mahomet à l’occasion du procès des attentats de janvier 2015, quand 12 personnes avaient été tuées au siège de l’hebdomadaire satirique par deux islamistes.

L’émotion provoquée par ce crime a été ravivée par l’assassinat, le 23 octobre 2023, d’un autre professeur, Dominique Bernard, tué à Arras, dans le nord de la France, par un jeune islamiste radicalisé.

La France a de nouveau été touchée par un attentat, le 2 décembre, quand un islamiste radicalisé a poignardé à mort un jeune touriste germano-philippin près de la tour Eiffel, à Paris, blessant deux autres passants.