Le ténor de la gauche française paie le prix de ses positions propalestiniennes tranchées, dans un environnement politique de plus en plus irrévérencieux

Nom

Jean-Luc Mélenchon

Âge

72 ans

Fonction

Fondateur du parti La France insoumise

Signes distinctifs

Populisme de gauche, talent oratoire, radicalité, polémiques

Pourquoi on en parle

Jean-Luc Mélenchon est bien connu pour son mauvais caractère et son goût du conflit. Le leader du parti La France insoumise (LFI, gauche radicale) l’a de nouveau démontré cette semaine, en s’en prenant publiquement à la journaliste Ruth Elkrief, l’accusant d’être une « manipulatrice » et une « fanatique » méprisant les musulmans. Ces insultes ont valu à la présentatrice d’être placée illico sous protection policière, le ministère de l’Intérieur jugeant que Mélenchon lui avait mis « une cible dans le dos », dans un contexte de remontée des actes antisémites en France depuis l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre.

Des réactions outrées

Les réactions ont été vives dans la classe politique. Le porte-parole du gouvernement Olivier Veran a dénoncé une « attaque ignoble » du leader LFI. Au parti Les Républicains (droite), Eric Ciotti l’a qualifié de « sombre et vulgaire lanceur de fatwas » et de « collabo des islamistes », Laurent Wauquiez l’accusant d’« incarner politiquement le nouvel antisémitisme », « probablement par pur cynisme électoral ». Le président du Sénat Gérard Larcher, d’ordinaire posé, a même demandé à M. Mélenchon de « fermer sa gueule ». Comme quoi l’art de l’insulte n’est pas l’exclusivité de notre Assemblée nationale, où le leader parlementaire de Québec solidaire a récemment lancé « Fuck you » à un adversaire caquiste.

Une autre polémique

Ce n’est pas la première fois que Jean-Luc Mélenchon crée la polémique depuis l’attaque du Hamas, le 7 octobre, et la riposte israélienne contre la bande de Gaza.

Son obstination à ne pas vouloir qualifier le mouvement palestinien de terroriste a entraîné une crise au sein de la NUPES (coalition des partis de gauche français) et même des dissensions dans sa propre formation.

Il a aussi été accusé d’avoir utilisé des propos empruntant à la rhétorique antisémite pour s’en prendre à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Griefs dont le principal intéressé se défend avec vigueur.

Une stratégie politique ?

Jean-Luc Mélenchon est connu pour sa personnalité conflictuelle. Ses récents « impairs » vont en ce sens. Mais ses détracteurs pensent qu’il met aussi le feu aux poudres par calcul politique, afin de cultiver le vote musulman, notamment des jeunes des quartiers populaires. Hypothèse plausible, sachant que 69 % des électeurs pratiquant l’islam ont choisi Mélenchon au 1er tour de la dernière présidentielle, selon un sondage de l’IFOP (Institut français d’opinion publique). « C’est un vieux routier de la politique. Il a de l’expérience. S’il fait ça, ce n’est pas gratuit, abonde le politiste Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS. Il y a une première hypothèse qui dit qu’il fait n’importe quoi, moi, je penche plutôt pour la seconde, qui dit qu’il a une stratégie. »

Une image détériorée

Une stratégie qui ne semble pas trop lui profiter jusqu’ici. Selon un sondage IPSOS-Le Point paru il y a trois semaines, Mélenchon était à 73 % d’opinion défavorable chez les Français, son leadership s’étiolant même à l’interne, où des divisions se sont clairement affichées concernant le dossier du Hamas. Il faudra voir si ce désaveu a un effet sur les votes à court ou moyen terme. Mais comme le fait remarquer M. Rouban, Mélenchon reste encore le meilleur choix à gauche tant qu’il n’y aura pas de solution de rechange viable. Or, pour l’instant, ni les socialistes, ni les Verts, ni les communistes ne semblent pouvoir rivaliser en termes de poids et de leadership.

Une privatisation de la politique

Mais pour Luc Rouban, il faut surtout s’inquiéter de la montée de la violence verbale dans le paysage politique français. Au-delà de Mélenchon et de son parti, qui en font bon usage, les insultes se font de plus en plus fréquentes dans l’hémicycle, une tendance qui selon lui ne présage rien de bon.

« Le problème, c’est qu’on assiste en ce moment à un affaiblissement de la frontière entre rôles publics et rôles privés, conclut l’expert. Votre adversaire n’est plus un opposant politique, c’est un ennemi. Il n’est pas considéré comme un professionnel avec qui on peut travailler même si on n’est pas d’accord. Il est considéré comme quelqu’un qu’on doit éliminer d’une manière ou d’une autre. Il n’y a plus de compromis possible, il n’y a plus d’institution. C’est une forme de privatisation de la politique. Et donc de décomposition de la démocratie participative. C’est quand même très dangereux… »

Avec l’Agence France-Presse