(Vatry) Un hall d’accueil bâché, des lits de camp et des toilettes mobiles : plus de 300 Indiens restent confinés samedi soir dans un aéroport de l’est de la France où les autorités, qui soupçonnent une « traite d’êtres humains », immobilisent leur vol depuis jeudi.

Les 303 passagers demeurent depuis jeudi soir au sein du hall d’accueil de l’aéroport de Vatry, transformé par les autorités en zone d’attente pour étrangers. Des audiences judiciaires doivent s’y tenir à partir de dimanche 9 h (3 h heure de l’Est) pour prolonger, si nécessaire, leur maintien sur place, a affirmé à l’AFP Me Pascal Guillaume, l’avocat à la tête du barreau de Reims.

Parmi ces passagers figurent 11 mineurs non accompagnés, a indiqué le parquet de Paris. Les majeurs ont pour leur part tous été entendus par les autorités et dix passagers avaient déposé une demande d’asile en fin d’après-midi, a affirmé une source proche du dossier.

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Le Airbus A340 de la compagnie roumaine Legend Airlines

Leur avion, un Airbus A340 de la compagnie roumaine Legend Airlines, devait initialement relier Dubaï (Émirats arabes unis) à Managua, capitale du Nicaragua.  

Mais ce qui ne devait être qu’une escale technique sur la piste de ce petit aéroport, à 150 kilomètres à l’est de Paris, s’est transformé depuis jeudi après-midi en longue immobilisation, après un « signalement anonyme » selon lequel des passagers étaient « susceptibles d’être victimes de traite des êtres humains » en bande organisée, a indiqué le parquet de Paris à l’AFP vendredi.

Selon une source proche du dossier, les passagers indiens, probablement des travailleurs aux Émirats arabes unis, pourraient avoir planifié de se rendre en Amérique centrale afin de tenter ensuite d’entrer illégalement aux États-Unis ou au Canada.

Deux gardes à vue

Débutée vendredi soir, la garde à vue de deux passagers a été prolongée samedi soir, « pour une durée maximale de 48 heures », a indiqué le parquet de Paris à l’AFP, « afin de vérifier » si le rôle de ces deux personnes « a pu être différent de celui des autres dans ce transport, et dans quelles conditions et avec quel objectif ».

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L’enquête qui a été ouverte vise à « vérifier si des éléments viendraient corroborer » les soupçons de traite d’êtres humains, selon le parquet.

Les enquêteurs ont contrôlé l’identité des passagers et des personnels navigants, et vérifient les « conditions et objectifs de transport » de ces personnes, a-t-il précisé.

La trentaine de membres de l’équipage, 15 pour la liaison Dubaï-Vatry et 14 ou 15 pour le trajet Vatry-Managua, « ont été auditionnés et autorisés à repartir librement », a indiqué à l’AFP Liliana Bakayoko, qui se présente comme l’avocate de la compagnie aérienne.

Legend Airlines « n’a effectué que quelques vols sur ce trajet, toujours pour le même client » non européen, a-t-elle ajouté, précisant que l’entreprise compte « se porter partie civile si des poursuites sont initiées par le ministère public, ou porter plainte » dans le cas contraire.

L’ambassade d’Inde en France a indiqué samedi sur X, ex-Twitter, travailler à « une résolution rapide de la situation », ajoutant que « du personnel consulaire est sur place ».

« Zone famille »

Des bâches ont été installées devant les baies vitrées du hall d’accueil de l’aéroport, ainsi que sur les bâtiments administratifs. L’accès restait bloqué par la police et la gendarmerie samedi matin, a constaté un journaliste de l’AFP.

La loi prévoit que s’il arrive en France par avion et que l’embarquement vers son pays de destination lui est refusé, un étranger peut être maintenu en zone d’attente pendant quatre jours maximum par la police aux frontières.

Ce maintien peut être prolongé de huit jours par un juge des détentions et de la liberté, puis de huit jours supplémentaires à titre exceptionnel. Au maximum, en fonction des recours, le maintien en zone d’accueil peut atteindre 26 jours.

Des lits individuels ont été mis à disposition des passagers, ainsi que des toilettes et des douches, indique la préfecture, qui précise qu’une « zone “famille” pour assurer l’intimité parent-enfant » a été déployée. « Trois repas par jour (sont) assurés par les services de l’État », ajoute-t-elle.

D’après le site spécialisé Flightradar, Legend Airlines est une petite compagnie dont la flotte est composée de quatre avions, dont deux A340-313.