(Varsovie) Le président polonais Andrzej Duda s’est dit mercredi « profondément bouleversé » par l’arrestation la veille d’un ex-ministre populiste dans le palais présidentiel tout en appelant ses compatriotes au calme.

Le pays dirigé depuis près d’un mois par la coalition pro-européenne qui avait évincé du pouvoir les populistes nationalistes est en proie à une crise politique, les deux camps s’accusant de violations de l’État de droit.

Les arrestations de l’ex-ministre de l’Intérieur Mariusz Kaminski et de son proche collaborateur Maciej Wasik, deux personnalités du parti Droit et Justice (PiS), ont eu lieu mardi en fin de journée au palais présidentiel où ils avaient trouvé refuge à l’invitation du chef de l’État conservateur, allié du pouvoir précédent.

Mercredi, M. Kaminski qui estime être « un prisonnier politique », a annoncé une grève de la faim.  

« En tant que prisonnier politique, j’entame donc une grève de la faim dès le premier jour de mon incarcération », a-t-il annoncé.

En décembre, un tribunal polonais a condamné en appel à deux ans de prison ferme les deux hommes pour avoir outrepassé leurs fonctions dans une affaire remontant à 2007. M. Kaminski était à l’époque chef du bureau central anticorruption et a été condamné pour avoir orchestré une fausse affaire de corruption à l’encontre d’un responsable politique.

Elus députés lors des élections d’octobre, les deux hommes ont vu leurs mandats de parlementaires annulés, ce qu’ils refusent de reconnaître.

« Je considère ma condamnation pour lutte contre la corruption et l’action illégale visant à me priver de mon mandat parlementaire comme un acte de vengeance politique », a déclaré M. Kaminski dans un communiqué envoyé au ministère de la Justice.

Mais le gouvernement actuel affirme que MM. Kaminski et Wasik ont été envoyés en prison à la suite d’une décision judiciaire indépendante.

« On ne peut pas les qualifier de prisonniers politiques, c’est une exagération, y compris à l’égard des prisonniers politiques détenus dans le monde entier », a déclaré à la presse Maria Ejchart, vice-ministre de la Justice.

« Pouvoir voyou »

L’arrestation a provoqué des vives protestations de l’actuelle opposition, l’ancien premier ministre Mateusz Morawiecki accusant mardi soir sur X « le pouvoir voyou » de mettre « ses adversaires politiques en prison ».

Dans un entretien télévisé mercredi, il a estimé que les évènements actuels signifiaient que le nouveau premier ministre Donald Tusk « a entrepris de démanteler la démocratie libérale ».

PiS a appelé ses partisans à une manifestation contre les décisions de la nouvelle administration prévue jeudi devant le parlement à Varsovie.  

La manifestation a été annoncée fin décembre après que l’actuel pouvoir a décidé de mettre en état de liquidation juridique les médias publics, accusant l’ancien pouvoir populiste d’en avoir fait des organes de propagande.  

PiS estime que les changements dans la radio et la télévision publiques se sont fait en violation de la législation.

Selon les médias polonais, MM. Kaminski et Wasik voulaient rester au palais présidentiel jusqu’à cette manifestation.

Dans une déclaration à la presse, le président Andrzej Duda s’est dit mercredi convaincu de leur innocence et du caractère illégal de l’arrestation.

M. Kaminski avait en effet été gracié en 2015 par M. Duda, avant même que la décision de la justice n’entre en vigueur.

La grâce a été par la suite remise en question par la Cour suprême.

Mercredi, le président a souligné qu’il allait agir « de manière légale » en faveur de la libération des deux hommes.

Il a également lancé un appel au calme avant la manifestation de jeudi.

« J’en appelle à tous mes compatriotes. Je crois fermement que […] nous sommes capables de restaurer l’honnêteté et la justice dans l’État polonais », a-t-il dit.