En attirant Rachida Dati dans ses rangs, Emmanuel Macron gruge encore la droite et sème la panique dans le milieu culturel.

Nom

Rachida Dati

Âge

58 ans

Fonctions 

Nouvelle ministre de la Culture, maire du 7e arrondissement de Paris, ancienne ministre de la Justice sous Sarkozy (2007-2009)

Signes distinctifs 

Bagout, grande gueule, charisme, bling-bling

Pourquoi on en parle

Rachida Dati vient d’être nommée ministre de la Culture en France, à la faveur d’un remaniement ministériel orchestré par le nouveau premier ministre Gabriel Attal. Cette nomination crée la surprise au pays en raison du profil de cette ancienne protégée de Nicolas Sarkozy, clairement campée à droite et pas du tout identifiée à la culture. Un « gros coup » pour la Macronie, voire un « séisme politique », qui a tous les signes d’un mariage d’intérêt.

PHOTO FRANÇOIS MORI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Rachida Dati et Nicolas Sarkozy, en 2007

Un personnage

Fille d’immigrants maghrébins issue d’un milieu modeste, Rachida Dati est une véritable vedette de la politique. Son « style direct », très « cash », détonne dans le milieu feutré des cabinets ministériels. Mais ses coups de gueule de même que son côté bling-bling font les délices des médias et touchent une corde sensible chez les classes populaires. « Elle a une relation particulière avec la rue, où on la regarde comme une rock star », résume Bertrand Gréco, journaliste indépendant, expert en politique municipale. « Les gens veulent la toucher. Il y a assez peu de politiques qui suscitent ce genre de réactions. »

Stupeur et tremblements

L’annonce de sa nomination a été reçue avec inquiétude par le milieu culturel, qui s’épanche depuis jeudi sur les réseaux sociaux. Contrairement à celles qui l’ont précédée (Rima Abdul Malak, Roselyne Bachelot), Rachida Dati n’a jamais manifesté, jusqu’ici, d’intérêt particulier pour la culture, un secteur dont elle ne connaît ni les rouages ni les subtilités. « Je rejoins un mouvement général qui est de stupéfaction qui consiste à d’abord dire qu’elle n’y connaît rien », lance le comédien Jacques Bonnaffé, directeur de la Compagnie Faisan. « On l’a peu vue dans des manifestations artistiques. On ne sait pas quelle sera sa politique. Mais ce qui me semble caractéristique de ce genre de personnalité, c’est cette espèce de notion immobile, où l’on défend une distinction un peu vieillotte de la culture. Elle ne prône pas l’intelligence, on pourrait même dire le contraire. C’est donc une très mauvaise nouvelle. Mais ne soyons pas Cassandre, on ne va pas tout de suite annoncer le pire. Même de son pire ennemi on peut attendre des avantages. » Mme Dati a elle-même reconnu que sa nomination pouvait surprendre, mais a promis de mettre sa « combativité au service de la culture ».

Dur coup pour LR

Rachida Dati est un vrai « trophée » pour Emmanuel Macron. Ancienne ministre de la Justice et eurodéputée, actuelle maire du 7e arrondissement à Paris, elle était l’une des dernières vedettes du parti de droite Les Républicains (LR), en déroute depuis les dernières élections. Mme Dati s’ajoute ainsi à la longue liste des transfuges de cette famille politique à avoir rallié la majorité (Bruno Le Maire, Sébastien Lecornu, Gérald Darmanin, etc.). Une « prise de guerre » importante, ajoute Olivier Ihl, puisqu’elle donne une certaine couleur à la Macronie à quelques mois des élections européennes prévues en juin. « Le Rassemblement national est actuellement en tête par 10 points dans les intentions de vote. Si Macron veut gagner, il doit cibler les jeunes, les gens des milieux populaires, peu diplômés, les ouvriers. Or, Rachida Dati parle à ce public-là. Elle touche ce public-là. Ce n’est pas donné à tout le monde. »

Des ambitions parisiennes

Ministre de la Culture, c’est glamour. Maire de Paris, ce l’est encore plus ! Rachida Dati ne le cache pas : son ultime ambition est de succéder à Anne Hidalgo à l’hôtel de ville, ce qu’elle a d’ailleurs déjà tenté en 2019. Selon les observateurs, il est probable qu’Emmanuel Macron lui ait promis de lui laisser le champ libre lors des prochaines élections municipales en 2026, en échange de son ralliement. A-t-elle des chances de réaliser son fantasme ? Ça reste à voir. « Hidalgo est malmenée dans les médias, mais dans l’électorat parisien, elle est encore appréciée, souligne Bertrand Gréco. En fait, la sociologie de l’électorat parisien ne correspond pas du tout à la droite. Mme Dati ne sera donc pas nécessairement en position de force. »

Mise en examen

Un seul risque dans ce mariage d’intérêt : la séparation forcée. Mme Dati traîne en effet quelques casseroles, dont une mise en examen pour « corruption et trafic d’influence passif ». On la soupçonne d’avoir empoché 900 000 euros (1,32 million CAN) de la part de l’entreprise Renault pour ses conseils (elle est avocate de formation) entre 2010 et 2012, alors qu’elle était députée européenne. « Une mise en examen, ce n’est pas une condamnation… cela ne signifie pas une culpabilité », a plaidé le premier ministre Gabriel Attal, invoquant la présomption d’innocence. L’affaire suit son cours. On saura dans les prochains mois si un procès aura lieu.