(Davos) Entre messages d’espoir et avertissements alarmistes, le président ukrainien Volodymyr Zelensky bataille à Davos, sur scène et en coulisses, pour garantir la poursuite des aides occidentales à sa guerre contre le « prédateur » Poutine.

Presque deux ans après l’invasion russe, et avec une ligne de front globalement immobile depuis plusieurs mois, le risque de lassitude grandit. Et d’autres conflits lui disputent l’attention des alliés occidentaux.

À la tribune du Forum économique mondial, où il s’exprimait pour la première fois en personne et où il a été très applaudi, M. Zelensky a mis en garde contre la tentation de « geler » le conflit en Ukraine, car « tout confit gelé finit un jour par se raviver ».

Et de fustiger au passage les appels réguliers des Occidentaux à éviter toute « escalade ». « Pour nous, chaque “pas d’escalade” sonne pour Poutine comme un “Vous vaincrez” », a-t-il lancé.

Or « ce n’est pas seulement la sécurité de l’Ukraine », c’est « la sécurité du continent européen », a-t-il insisté au cours d’une rencontre avec des journalistes, brandissant le chiffon rouge d’une extension du conflit aux pays de l’OTAN.

Le président russe Vladimir Poutine est absent de Davos mais a rétorqué jeudi que l’initiative sur le front était désormais « entièrement » en faveur de son pays, à l’occasion d’une réunion retransmise à la télévision russe. Il a assuré que l’État ukrainien risquait de subir un « coup irréparable » en cas de prolongation des combats et accusé Kyiv de « refuser de négocier » la fin du conflit avec Moscou.

« Sommet » sur la paix

Si Volodymyr Zelensky reste ouvert à des négociations de paix, c’est à ses propres conditions. Dans beaucoup de réunions bilatérales qu’il a eues mardi, il a encouragé ses interlocuteurs politiques à participer aux préparatifs d’un « sommet » sur la paix, que la Suisse a accepté cette semaine d’organiser mais auquel le président ukrainien ne veut pas inviter la Russie.

Au cours d’une de ces réunions, que Kyiv a qualifiée de « substantielle », le secrétaire d’État Antony Blinken a affirmé que les États-Unis restaient « déterminés à maintenir » leur « soutien », malgré des négociations difficiles au Congrès américain sur une nouvelle enveloppe.

Donald Trump, qui fait figure de favori concernant l’investiture républicaine pour la présidentielle américaine, s’est ouvertement dit opposé à davantage d’aide, y voyant un gaspillage face à une probable victoire russe.

Washington travaillera jusqu’à ce que « la Russie échoue et l’Ukraine gagne », a en revanche dit à M. Zelensky mardi Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche.

« Les Ukrainiens ont besoin d’un financement prévisible tout au long de l’année 2024 et au-delà », a renchéri la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à deux semaines d’un sommet européen centré sur l’aide financière à Kyiv qui s’annonce particulièrement délicat en raison des menaces de veto de la Hongrie.

Avions et argent pour reconstruire

Volodymyr Zelensky réclame davantage d’armes pour son pays, en particulier des avions de combat qui l’aideraient à gagner la « supériorité aérienne » sur la Russie.

Mais l’Ukraine a aussi besoin d’argent pour reconstruire ses villes et son économie.

M. Zelensky appelle à placer sous sanctions l’industrie nucléaire russe et à remettre à l’Ukraine les avoirs russes gelés.  

« Nous devons utiliser cet argent », en particulier pour rénover « des écoles, des maisons, des abris contre les bombardements, des hôpitaux, des universités, des églises » détruits par les frappes russes, a-t-il dit aux journalistes.

Mais il compte aussi sur des capitaux privés.  

Il a ainsi participé mardi matin à une rencontre à huis clos avec de grands patrons, à laquelle « les plus grands fonds financiers de la planète » étaient représentés, a précisé la présidence ukrainienne – évoquant entre autres JPMorgan, BlackRock et ArcelorMittal

L’espoir de Kyiv est que ces grands noms « attirent un large nombre d’investisseurs et de groupes internationaux » en Ukraine, a commenté la présidence.

« Nous avons besoin d’investissements normaux, par des entreprises absolument claires, prédictibles, propres », qui augmenteraient aussi les chances des Ukrainiens partis à l’étranger de rentrer chez eux, a fait valoir Volodymyr Zelensky à la tribune. « S’il vous plaît, renforcez notre économie et nous renforcerons votre sécurité. »

Il a aussi rappelé le rôle que pouvait jouer son pays pour garantir la sécurité alimentaire, notamment grâce à son corridor d’exportation de céréales en mer Noire.