(Davos) L’Ukraine a affirmé mercredi viser en 2024 la maîtrise des airs aujourd’hui dominés par la Russie, prévenant que vaincre Moscou prendrait « du temps » et nécessiterait l’aide continue des Occidentaux.

Cet appel intervient alors qu’Américains et Européens tergiversent sur la suite de l’aide à apporter à Kyiv. L’Ukraine craint que ces hésitations puissent déboucher sur un gel du conflit, favorable à la Russie qui occupe près de 20 % de son territoire.

« En 2024, la priorité est de chasser la Russie du ciel, car celui qui contrôle le ciel déterminera quand et comment la guerre va se finir », a dit au Forum économique de Davos le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba.

« On les a vaincus en 2022 sur terre, on les a vaincus en 2023 en mer et nous nous concentrons pour les vaincre dans les airs en 2024 », a-t-il lancé.

La Russie a attaqué en février 2022 l’Ukraine, mais elle a échoué à prendre Kyiv puis a été chassée du nord, du nord-est et d’une partie du sud du pays. En 2023, avec des attaques de drones maritimes et de missiles, les forces ukrainiennes ont pu lever le blocus de certains de ses ports de la mer Noire et reprendre en partie les exportations, notamment de céréales.

« Déficit » d’armes possible

Pour gagner la maîtrise des airs, M. Kouleba a répété que son pays allait avoir besoin que l’Occident lui fournisse des avions (des F-16 doivent être livrés cette année) ainsi que des missiles de longue portée, des projectiles qu’Américains et Européens n’ont fourni qu’en petit nombre notamment par peur de provoquer une escalade du conflit avec la Russie.

« Cela va nécessiter de fournir à l’Ukraine des avions […] des missiles de longue portée et des drones, dont l’Ukraine a significativement augmenté sa production », a réclamé M. Kouleba.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lui aussi à Davos, a martelé mercredi que tout retard dans l’aide à son pays met en danger « la sécurité du continent européen ».

Faute d’aide, « nous manquerons cruellement d’artillerie, nous aurons un très grand déficit de missiles de défense antiaérienne. Cela signifie que nous ne serons pas en mesure de repousser les attaques », a-t-il poursuivi, brandissant le spectre d’une future « guerre entre l’OTAN et la Russie ».

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken a lui émis des doutes sur les perspectives d’un cessez-le-feu en Ukraine, estimant que Moscou n’avait montré aucune volonté de « négocier avec bonne foi », après presque deux ans d’invasion russe.

L’Ukraine est visée presque chaque nuit par des drones d’attaque et des missiles lancés par la Russie depuis le sol, la mer ou les airs.

L’armée de l’air ukrainienne a dit avoir abattu dans la nuit 19 des 20 drones lancés par les Russes, notamment contre Odessa, grand port du Sud également visé par une attaque de missile dans la matinée, où trois personnes ont été blessées.  

« Un ennemi qui ne dort jamais »

Ailleurs en Ukraine, une personne a été tuée et une autre blessée à Kherson (sud) et deux adolescents blessés à Nikopol (sud-est).

Grâce aux systèmes de défense fournis par les Occidentaux, les forces ukrainiennes parviennent à abattre la majorité des engins tirés par la Russie, mais le pays risque de manquer de munitions.

« Nous combattons un ennemi très puissant, un ennemi très grand, un ennemi qui ne dort jamais. Cela prend du temps », a relevé M. Kouleba.

La Russie a affirmé mercredi avoir visé la veille au soir un bâtiment où étaient notamment déployés des « mercenaires français » à Kharkiv, la deuxième ville d’Ukraine, située dans le nord-est du pays.

« Dans la soirée du 16 janvier, les forces armées russes ont effectué une frappe de précision sur un point de déploiement temporaire de combattants étrangers à Kharkiv, dont le noyau était constitué de mercenaires français », a indiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram.

Selon Moscou, la « frappe a complètement détruit le bâtiment où étaient stationnés les mercenaires » et fait plus de 60 morts et 20 blessés.

Ces affirmations étaient invérifiables de source indépendante dans l’immédiat.

L’Ukraine a de son côté rapporté mardi soir une frappe russe à l’aide de deux missiles S-300 sur Kharkiv qui a blessé au moins 17 personnes, dont deux femmes qui sont dans un état grave, et endommagé des immeubles résidentiels.

La Russie bombarde régulièrement la région de Kharkiv, où les autorités ukrainiennes ont annoncé mardi l’évacuation de 26 villages en raison de la menace d’un assaut des forces de Moscou dans la zone.

La revendication de cette frappe par Moscou intervient après l’annonce par Emmanuel Macron mardi que la France allait livrer à Kyiv 40 missiles à longue portée Scalp supplémentaires et « des centaines de bombes ».

Il a aussi indiqué que la France était « en train de finaliser un accord » de sécurité avec Kyiv du type de celui conclu vendredi entre le Royaume-Uni et l’Ukraine sur dix ans, qu’il annoncera lors de sa visite sur place en février.

M. Zelensky a, lui, qualifié mardi à Davos le président russe de « prédateur ».