(Genève) La Russie a rejeté mardi en bloc à l’ONU les accusations de « déportation » d’enfants ukrainiens sur son sol depuis l’invasion de l’Ukraine, dont l’accusent Kyiv, la justice internationale et des ONG, mais a affirmé en avoir « accueilli » plus de 700 000.

Pendant deux jours à Genève, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a examiné le dossier de la Russie dans le cadre d’un rendez-vous régulier, pressant Moscou de s’expliquer sur ces « allégations de déportation », cherchant à savoir combien d’enfants sont concernés, où ont-ils été envoyés, par qui et pour quelles raisons.  

Ce comité – qui est composé de 18 experts indépendants – a également fait part des craintes que ces enfants perdent leur nationalité ukrainienne.

L’Ukraine estime à au moins 20 000 le nombre d’enfants ukrainiens envoyés de force en Russie, le président ukrainien Volodymyr Zelensky estimant qu’il s’agit « clairement d’un génocide ». Selon Kyiv, seuls environ 400 ont été rapatriés par les autorités à ce stade.

La Cour pénale internationale a elle émis l’an dernier des mandats d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine et la commissaire russe à l’enfance, Maria Lvova-Belova, pour la « déportation » de milliers d’enfants ukrainiens.

Moscou, qui rejette ces accusations, assure vouloir protéger ces enfants des combats et affirme que « la réinstallation des enfants évacués se fait avant tout à leur demande et avec leur accord », selon un document que la Russie avait envoyé au Comité des droits de l’enfant l’année dernière.

La délégation russe s’est montrée mardi inflexible dans ses réponses aux experts de l’ONU.

« Depuis février 2022, la Fédération de Russie n’a pas été impliquée dans la déportation de citoyens ukrainiens sur son territoire », leur a assuré le chef de la délégation russe, Alexeï Vovtchenko, vice-ministre russe du Travail et de la protection sociale.

« En tout sur notre territoire nous avons accueilli près de 4,8 millions citoyens ukrainiens. Plus de 700 000 sont des enfants. Voilà donc pour les enfants accueillis », a-t-il dit.

Il a ajouté que la majorité des enfants étaient arrivés avec leur famille ou leurs tuteurs et ont été « installés sur des sites, dans les logements temporaires ou chez des proches ».

« Propagande »

Par ailleurs, a indiqué M. Vovtchenko, « on est en train de rechercher 5086 enfants, nous sommes en train de procéder à la vérification des données », en coordination selon lui avec l’Ukraine.

La Russie, qui a envahi sa voisine en février 2022 revendique l’annexion de cinq régions ukrainiennes : la Crimée en 2014, suivie en 2022 des régions de Louhansk, Donetsk, Zaporijjia et Kherson.

Selon M. Vovtchenko, Moscou a « évacué » des régions de Donetsk et Louhansk « près de 2000 » orphelins ou enfants qui étaient restés « sans protection parentale », et a accusé les autorités ukrainiennes de ne pas s’être auparavant « préoccupées » de leur sort.

Il a en revanche affirmé être dans l’impossibilité de répondre aux demandes répétées du comité sur le « transfert » d’enfants depuis des orphelinats en Crimée vers la Russie, affirmant que « c’est un processus tout à fait habituel ».

« Il n’y a pas là de particularité, de spécificité. Il est tout à fait possible d’adopter des enfants, ces enfants peuvent changer de région », a-t-il insisté.

Le haut responsable russe n’a pas été en mesure non plus de répondre aux questions des experts sur le nombre d’enfants russes ayant perdu leur père dans les combats en Ukraine.

Niant les accusations de « propagande » dont s’est fait l’écho la présidente du comité, la Sud-Africaine Ann Marie Skelton, la délégation russe s’est en revanche longuement épanchée sur l’« éducation patriotique » dispensée aux élèves russes à travers notamment les « Conversations d’importance », ces cours introduits peu après le début de l’invasion de l’Ukraine.

Les conclusions des experts ne seront pas publiées avant le 8 février mais Mme Skelton n’a pas semblé convaincue par les arguments de la délégation russe. Elle a suggéré à Moscou de présenter les recommandations du comité de l’ONU aux élèves russes lors d’une prochaine « Conversation d’importance ».