(Paris) « Ça met tout le dispositif en tension ». En plaçant la moitié de son gouvernement dans l’antichambre avant une deuxième vague de nominations, Emmanuel Macron perturbe le fonctionnement de la machine et affaiblit potentiellement le poids des futurs promus.

L’espoir se mesure à l’ouverture des cartons. Certains sont totalement fermés, prêts à quitter le ministère, quand d’autres sont « encore ouverts » pour faciliter un éventuel retour, dit un conseiller ministériel.

L’attente est d’autant plus longue que ceux qui n’ont pas été promus dans le « pack gouvernemental » de 14 ministres annoncé le 11 janvier ne seront fixés sur leur sort qu’après la déclaration de politique générale du premier ministre, Gabriel Attal, le 30 janvier, selon plusieurs sources gouvernementales.

Il manque à peu près autant de ministres délégués et de secrétaires d’État que de ministres de plein exercice, si l’équipe finale est réduite à 30 membres, au lieu de 41 actuellement, comme envisagé par l’exécutif.

Si bien que depuis le 11 janvier, quelque 200 à 300 collaborateurs qui ne sont pas fonctionnaires se retrouvent à la case chômage.

« Vingt jours de salaire en moins quand on a un loyer à Paris ce n’est pas évident. Ce sont des vacances forcées », témoigne l’un deux, pourtant habitué aux « incertitudes » des remaniements « tous les six mois ».

« Campagne électorale »

Après le départ d’Élisabeth Borne, ministres et collaborateurs ont géré les affaires courantes, mais depuis les premières nominations, ils ne touchent plus de salaire et ne peuvent plus officiellement revenir dans les ministères.

Certains membres de cabinet ont déjà changé de cheval, comme Benjamin Rosmini, ancien conseiller presse de l’ex-ministre du Travail, Olivier Dussopt, parti rejoindre l’équipe de la nouvelle ministre de la Culture Rachida Dati.

D’autres restent en contact avec leurs anciens collègues « pour préparer la suite ».  

« C’est un peu une ambiance de campagne électorale. On n’est pas sûrs de gagner (un retour au gouvernement), mais des groupes se réunissent pour prévoir ce qu’on ferait si on était maintenus », selon un autre conseiller.

Une préparation jugée d’autant plus nécessaire que les potentiels promus n’auront pas beaucoup de temps pour trouver leurs marques : le président de la République, Emmanuel Macron, leur a demandé de « l’efficacité » et de la « vitesse » pour produire « des résultats ».

Or pour le moment, comment faire quand il n’y a pas encore de ministre du Logement et qu’un projet de loi du secteur, en l’occurrence contre l’habitat indigne, arrive à l’Assemblée nationale ?

Le ministre de tutelle, Christophe Béchu (Transition écologique et Cohésion des territoires), a certes défendu le texte devant les députés lundi.

Mais moyennant des échanges avec les équipes de l’ancien ministre Patrice Vergriete, qui travaillent gratuitement depuis douze jours sur la loi et les amendements afférents.  

Car M. Béchu, qui a aussi sous sa coupe les Transports, n’a que 15 personnes dans son cabinet censées faire actuellement le travail de 45 personnes.

Compétences

La Santé n’a pas encore de titulaire non plus, ce qui chamboule les agendas avec le report de deux semaines de la prochaine séance de négociations entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie.

Cette longue attente interroge, en outre, la marge de manœuvre dont disposeront les futurs ministres.

Une première équipe réduite, « ça permet de crédibiliser les titulaires et de les faire émerger en notoriété », fait valoir un cadre de la majorité, avant que ministres délégués et secrétaires d’État viennent « fluidifier l’action ».

Or chaque jour qui passe « renforce la première vague » des nommés « et affaiblit la seconde », analyse un conseiller ministériel. Car les ministres titulaires ont le temps de constituer leur cabinet et mettre la main sur des compétences qu’ils auront ensuite du mal à lâcher.  

Devenue numéro 3 du gouvernement avec le Travail, la Santé et les Solidarités, Catherine Vautrin aurait déjà choisi les directeurs de cabinet de ses ministres délégués, rapporte un ministre.

Ce délai pourrait, par ailleurs, servir à M. Macron à donner des gages aux ténors de la majorité, comme le MoDem, très critique du premier « pack » gouvernemental.  

François Bayrou et Édouard Philippe, patrons du MoDem et d’Horizons, sont attendus à l’Élysée mardi soir pour en parler.