(Belfast) Après deux ans d’impasse politique, une issue semble en vue en Irlande du Nord, où le principal parti unioniste, qui boycottait les institutions locales, est parvenu à un accord avec Londres sur les règles post-Brexit.

S’il aboutit, ce compromis – dont le contenu reste inconnu – marquerait la fin d’une crise qui a profondément affecté les services publics de la province et excédait la population.

Il conduirait à l’arrivée à la tête du gouvernement local d’une figure issue d’un parti favorable à une réunification de l’Irlande, tournant historique dans la province britannique au passé sanglant.

Le Democratic Unionist Party (DUP) s’était retiré en février 2022 de l’exécutif et du parlement nord-irlandais, Stormont, pour protester contre les nouvelles règles commerciales post-Brexit qui selon lui menaçaient la place de la province au sein du Royaume-Uni.

Après des mois de négociations et à l’issue d’un vote interne, le chef du parti Jeffrey Donaldson a annoncé dans la nuit de lundi à mardi que le DUP était prêt à participer au redémarrage de Stormont grâce à des concessions présentées par Londres.

Leur détail ne sera dévoilé que mercredi, mais l’accord contient « des mesures qui sont bonnes pour l’Irlande du Nord et qui rétabliront notre place au sein du Royaume-Uni et de son marché intérieur », a défendu Jeffrey Donaldson.

Il a notamment affirmé qu’il n’y aurait plus pour les marchandises restant au sein du Royaume-Uni « de contrôles physiques » sauf, comme dans tout le reste pays, en cas de suspicion de fraude.

« Beaucoup de travail »

« Il était temps, c’était très immature de la part du DUP », a estimé Ellen O’Connor, étudiante de 19 ans interrogée par l’AFP dans un quartier nationaliste de Belfast.

« Vous ne pouvez pas respecter les règles uniquement quand ça vous arrange, ce n’est pas comme ça que marche la démocratie », a-t-elle poursuivi, soulignant l’impact de la paralysie sur « beaucoup de monde » autour d’elle et la récente grève suivie par des dizaines de milliers de fonctionnaires pour réclamer de meilleures rémunérations.

Dans un quartier unioniste, Cilla Flemming, retraitée de 73 ans, attend de voir ce que contient l’accord : « Je veux le lire et me rendre compte moi-même ».

L’absence de Parlement et d’exécutif locaux, compétents sur de nombreux sujets comme l’éducation ou la santé, perturbent fortement les services publics dans la province, une situation aggravée par la crise du coût de la vie.

Londres a promis une enveloppe de 3,3 milliards de livres (5,6 milliards CAD) en faveur de la province une fois l’assemblée reformée.

Une fois l’accord adopté au Parlement britannique, l’assemblée locale nord-irlandaise devra se réunir pour élire un président, et nommer le premier ministre du futur gouvernement local.

Il devrait s’agir de Michelle O’Neill, vice-présidente du Sinn Fein, grand vainqueur des dernières élections locales, une première dans la province.

« Nous avons beaucoup de travail devant nous », a-t-elle déclaré.

« Nous avons hâte maintenant de faire avancer les choses », s’est aussi réjouie la cheffe du Sinn Fein, Mary Lou McDonald, venue de Dublin.

Bruxelles « suit de près »

Le DUP s’opposait notamment à l’accord conclu l’an dernier entre Londres et Bruxelles – baptisé « Cadre de Windsor » – qui définissait des règles pour éviter qu’une frontière ne sépare la province et la République d’Irlande, comme le prévoient les accords de paix ayant mis fin à trente années de violence.

Pour certains unionistes, ce cadre ne protège pas suffisamment la place de la province au sein du Royaume-Uni, des règles européennes continuant de s’appliquer en Irlande du Nord.

Selon le ministre britannique chargé de l’Irlande du Nord Chris Heaton-Harris, l’accord trouvé mardi ne nécessitera pas de renégociation avec Bruxelles.

Un porte-parole de la Commission européenne a toutefois affirmé que l’institution « suit de près » la situation et « examinera ce texte ».

Soucieux que l’accord n’ait « pas de conséquences négatives » sur le « Cadre de Windsor » ou l’accord de paix de 1998, le premier ministre irlandais Leo Vardadkar s’est entretenu avec Rishi Sunak lors d’un appel.

Tous deux espèrent que l’accord « ouvre la voie » à un retour des institutions nord-irlandaises et des rencontres ministérielles nord-sud, selon les comptes-rendus de l’échange publiés par Dublin et Londres.