(Paris) À l’approche d’une visite du président français en Ukraine, Paris hausse le ton vis-à-vis de la Russie qu’elle accuse de mener une campagne accrue de désinformation et d’être responsable de la mort de deux humanitaires près de la ligne de front.

Les tensions entre les deux pays sont montées d’un cran ces dernières semaines au sujet de l’Ukraine, Moscou fustigeant « la frénésie militariste » française après la promesse de nouvelles livraisons d’armes à Kyiv.

L’ambassadeur de Russie en France Alexeï Mechkov a été convoqué lundi au ministère français des Affaires étrangères, qui a réitéré la condamnation des frappes russes ayant tué deux humanitaires français en Ukraine jeudi dernier et dénoncé « le regain de désinformation ciblant la France », selon le Quai d’Orsay.

« Vague de désinformation »

Les deux humanitaires ont péri lors d’une frappe sur Beryslav, petite commune située sur la rive nord du fleuve Dniepr, d’après le ministère français, qui a aussi fait état de trois Français blessés.

Paris a dénoncé un acte de « barbarie » de Moscou. Le parquet antiterroriste a ouvert une enquête vendredi soir.

« Nous espérons que ce qui s’est passé conduira l’opinion publique française à réfléchir plus encore sur le bien-fondé de la ligne contre-productive et dangereuse de leurs dirigeants s’agissant du conflit en Ukraine », a déclaré lundi la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.

« Nous avons bien sûr prêté attention à ces nouveaux débordements émotionnels […] visant notre pays », a-t-elle également commenté, interrogée par des médias sur la réaction française au décès des humanitaires.

Cet épisode survient peu après une passe d’armes entre Paris et Moscou dans le champ informationnel. Le ministère de la Défense russe a affirmé le mois dernier avoir « éliminé » une soixantaine de combattants dont la plupart des « mercenaires français » dans une frappe la nuit du 16 au 17 janvier à Kharkiv, dans le nord-est de l’Ukraine. Des informations immédiatement démenties par Paris.

Dans la foulée de ces accusations, plusieurs listes, dont une censée dévoiler l’identité d’une trentaine de « mercenaires français morts », ont été relayées massivement par des chaînes Telegram et des activistes pro-Kremlin avant que des volontaires français en Ukraine ne démentent eux-mêmes, dont trois auprès de l’AFP.

« On s’attend à une vague de désinformation avant la visite de Macron en Ukraine », a récemment souligné un spécialiste français des questions militaires auprès de quelques journalistes.

Pas de « fatigue »

« La France est aujourd’hui l’une des principales cibles de la Russie dans le champ informationnel », avait-il rappelé, estimant que l’histoire des présumés mercenaires était « un cas d’école », le tempo des accusations répondant précisément aux annonces françaises en faveur de Kyiv.

La Russie est régulièrement accusée par Paris de manipulations de l’information ciblant la France et d’autres pays occidentaux.

En juin, les autorités françaises ont dénoncé une vaste opération d’ingérence numérique via notamment la publication de faux contenus hostiles à l’Ukraine sur des sites imitant ceux de grands quotidiens français. L’un de ces articles prétendait que Paris allait instaurer une taxe pour financer l’aide à l’Ukraine.

À l’automne, de fausses publicités et de faux graffitis contre le président ukrainien Volodymyr Zelensky ont circulé sur l’internet pour accréditer l’idée d’une lassitude croissante des opinions publiques en Europe et aux États-Unis à l’égard de Kyiv.

Le message : faire croire à une multiplication de manifestations spontanées hostiles à Zelensky dans les pays occidentaux, dont les dirigeants soutiennent pourtant en grande majorité Kyiv.

Reposant sur un procédé classique de la désinformation à visée politique, ces narratifs cherchent non seulement à miner ce soutien, mais encore à attiser les dissensions au sein des sociétés occidentales, estiment les officiels français.

« La Russie ne peut pas compter sur une quelconque fatigue des Européens dans leur soutien à l’Ukraine », a assuré jeudi dernier Emmanuel Macron, après l’accord trouvé par les dirigeants européens sur une aide de 50 milliards d’euros pour Kyiv. Un message clair envoyé à Vladimir Poutine.

Le président français avait annoncé en janvier qu’il se rendrait en Ukraine en février, une visite dont la date n’a pas encore été communiquée.