(Varsovie) Les autorités russes menacent d’enterrer Alexeï Navalny sur le territoire de la colonie pénitentiaire où il est mort, a assuré vendredi l’équipe de l’opposant, accusant les enquêteurs de vouloir empêcher des funérailles publiques qui pourraient mobiliser ses partisans.

Plus tôt, plus d’une vingtaine de figures du monde culturel et médiatique russe, critiques vis-à-vis du Kremlin, avaient appelé les autorités à remettre le corps d’Alexeï Navalny à ses proches, qui le réclament depuis son décès il y a une semaine.

« Il y a une heure, un enquêteur a appelé la mère d’Alexeï et lui a posé un ultimatum. Soit elle accepte un enterrement secret dans les trois heures, sans adieu public, soit Alexeï sera enterré dans la colonie » pénitentiaire, a indiqué la porte-parole du défunt opposant, Kira Iarmich, sur X.

« Elle refuse de négocier avec le Comité d’enquête car ils ne sont pas habilités à décider quand et comment son fils sera enterré », a-t-elle ajouté.

Kira Iarmich a affirmé que la mère d’Alexeï Navalny, Lioudmila Navalnaïa, continuait à demander aux autorités de lui remettre le corps de son fils et d’autoriser des funérailles publiques.

PHOTO CHAÎNE YOUTUBE D’ALEXEÏ NAVALNY VIA REUTERS

La mère d’Alexeï Navalny, Lioudmila Navalnaïa

La veille, Mme Navalnaïa avait affirmé avoir enfin pu voir le corps de son fils, tout en accusant les autorités russes d’exercer contre elle un « chantage » pour l’enterrer secrètement.

Les proches d’Alexeï Navalny assurent que les autorités russes ont « tué » l’opposant en prison et cherchent à empêcher des funérailles publiques pour éviter toute manifestation de soutien de la part des Russes.

Dans les années 2010, avant que la machine répressive ne s’abatte complètement sur lui, M. Navalny parvenait à mobiliser des foules, en particulier à Moscou, gagnant ainsi son statut d’opposant numéro 1 de Vladimir Poutine.

Et malgré la répression qui a décimé l’opposition, des funérailles publiques pourraient théoriquement mobiliser ses sympathisants.

Son équipe a appelé vendredi les policiers, militaires ou membres des services de sécurité, à leur communiquer toute information sur le « meurtre » d’Alexeï Navalny.

En échange, « nous promettons une récompense de 20 000 euros (près de 30 000 dollars canadiens) et l’organisation de votre départ du pays, si vous le souhaitez », a-t-elle dit.

« Peu importe votre statut, ou que vous partagiez les opinions politiques d’Alexeï Navalny. Il existe des principes humains fondamentaux : vous ne pouvez pas abuser d’une mère et exercer un chantage avec le corps de son fils assassiné », a écrit son équipe sur Telegram.

« Toujours peur » de Navalny

L’équipe du militant anticorruption, mort la semaine dernière dans sa colonie pénitentiaire de l’Arctique dans des circonstances troubles, a diffusé depuis jeudi soir sur les réseaux sociaux les appels de nombreuses personnalités.

Parmi elles, le lauréat du prix Nobel de la Paix et journaliste, Dmitri Mouratov, le réalisateur Andreï Zviaguintsev, la Nobel de littérature Svetlana Alexievitch, l’écrivain Viktor Chenderovitch ou encore la militante du groupe contestataire Pussy Riot Nadejda Tolokonnikova.

« C’est gênant de dire ça dans un pays qui se considère encore comme chrétien, mais donnez à Lioudmila Ivanovna [Navalnaïa, NDLR] son fils », a déclaré M. Mouratov, rédacteur en chef du journal indépendant Novaïa Gazeta.

« Poutine a eu peur de Navalny pendant de nombreuses années quand il était vivant. Et Poutine a peur de Navalny après sa mort — après avoir tué Navalny, il a toujours peur de lui », a de son côté estimé M. Chenderovitch, exilé et déclaré « agent de l’étranger » par Moscou pour ses critiques de l’offensive en Ukraine.

Des centaines de personnes ont été arrêtées par la police la semaine dernière en Russie pour avoir honoré la mémoire du principal opposant au président russe, qui n’a toujours pas commenté publiquement cette mort.