(Varsovie) Le ministre des Affaires étrangères de la Pologne dit que la présence des forces de l’OTAN en Ukraine « n’est pas impensable » et qu’il apprécie la suggestion du président français Emmanuel Macron de ne pas exclure cette idée.

Radek Sikorski a fait cette observation lors d’une discussion marquant le 25e anniversaire de l’adhésion de la Pologne à l’OTAN au parlement polonais vendredi, et le ministère des Affaires étrangères a repris ses commentaires plus tard en anglais dans un gazouillis.

Ces propos reflètent un débat européen plus large sur la façon d’aider l’Ukraine alors que la Russie a pris un certain élan sur le champ de bataille et que Kyiv est à court de munitions. Aux États-Unis, le Congrès américain n’a pas encore approuvé l’aide dont l’Ukraine dit avoir besoin pour repousser les Russes, ce qui exerce une plus grande pression sur l’Europe pour qu’elle réagisse à cette guerre qui a brisé la paix sur le continent.

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Le ministre polonais des Affaires étrangères, Radek Sikorski

Le mois dernier, le président français Emmanuel Macron a déclaré que la possibilité d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine ne pouvait pas être exclue, un commentaire qui a brisé un tabou parmi les alliés et provoqué un tollé de la part d’autres dirigeants. Les responsables français ont ensuite cherché à clarifier les propos du président Macron, voire à les atténuer, tout en insistant sur la nécessité d’envoyer un signal clair à la Russie qu’elle ne peut pas gagner sa guerre en Ukraine.

Le Kremlin a averti que si l’OTAN envoie des troupes de combat, un conflit direct entre l’alliance et la Russie serait inévitable. Le président russe Vladimir Poutine a même déclaré qu’une telle décision risquerait un conflit nucléaire mondial.

Le premier ministre polonais, Donald Tusk, faisait partie des dirigeants européens qui ont initialement exclu l’envoi de troupes en Ukraine après les remarques de M. Macron, affirmant que « la Pologne n’a pas l’intention d’envoyer ses troupes sur le territoire ukrainien ».

Moins de deux semaines plus tard, son ministre des Affaires étrangères, Radek Sikorski, a pris un ton différent.

« La présence des forces de l’OTAN en Ukraine n’est pas impensable », a-t-il déclaré, selon le gazouillis du ministère des Affaires étrangères. Il a dit qu’il appréciait l’initiative de M. Macron « parce qu’il s’agit de Poutine qui a peur, pas de nous qui avons peur de Poutine ».

Le chef de la diplomatie britannique David Cameron a pour sa part exprimé son opposition à l’envoi de troupes occidentales en Ukraine, même pour y former des soldats, dans un entretien au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung paru samedi.

Questionné s’il était intelligent dans la situation actuelle d’exclure tout envoi de soldats occidentaux en Ukraine, M. Cameron a répondu au journal : «  les missions de formation sont mieux exécutées hors du pays. En Grande-Bretagne, nous avons formé 60 000 soldats ukrainiens ».

À l’Université de St. Andrews, en Écosse, le professeur d’études stratégiques Phillips O’Brien estime que la question de l’envoi de forces européennes pour aider l’Ukraine n’a jamais été écartée.

« C’était toujours une possibilité », a-t-il indiqué dans un courriel samedi.

Selon lui, cette possibilité a été accentuée par l’incertitude d’une nouvelle aide des États-Unis.

L’Europe est aujourd’hui confrontée à un terrible dilemme : voir l’Ukraine manquer de munitions ou intervenir pour aider l’Ukraine plus directement.

Phillips O’Brien, professeur d’études stratégiques à l’Université de St. Andrews

Le président polonais Andrzej Duda et le premier ministre Tusk se rendront à Washington pour une réunion à la Maison-Blanche mardi, une visite que les Polonais espèrent pouvoir utiliser pour inciter les États-Unis à en faire davantage pour aider l’Ukraine.

La Pologne est membre de l’OTAN le long du flanc oriental de l’alliance, avec l’Ukraine de l’autre côté de sa frontière orientale. Le pays a été sous la coupe de l’URSS de 1945 à 1989. Les craintes sont grandes que si la Russie gagne en Ukraine, elle pourrait ensuite viser d’autres pays dans une région que Moscou considère comme sa sphère d’intérêt.

Des drones ukrainiens détruits par la Russie

PHOTO ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Des résidants et des volontaires des unités d’autodéfense ont participé à un exercice d’évacuation lors d’une simulation d’urgence à la suite d’un bombardement ukrainien à Belgorod, au sud-ouest de la Russie, le 28 février.

La Russie a affirmé samedi avoir détruit 47 drones ukrainiens dans la nuit, principalement dans la région de Rostov-sur-le-Don, frontalière de l’Ukraine, attaque qui pourrait avoir visé entre autres une usine d’aviation.

« Les systèmes de défense aérienne ont intercepté et détruit un drone sur le territoire de la région de Belgorod, deux dans celle de Koursk, trois dans la région de Volgograd et 41 dans celle de Rostov », a annoncé l’armée russe.

Kyiv lance désormais quasi quotidiennement des attaques de drones et d’artillerie en territoire russe. La région de Rostov (sud) est un centre important pour la planification des opérations contre l’Ukraine.

Son gouverneur, Vassili Goloubev, a déclaré qu’une des attaques avait touché la ville russe de Taganrog, sur la mer d’Azov. Il a fait état d’un secouriste blessé, mais assuré qu’il n’y avait « pas de mort ».

Des analystes militaires russes ont affirmé que l’Ukraine pourrait avoir visé une usine d’aviation. « A Taganrog, la cible du raid était très probablement l’usine d’aviation (du constructeur) Beriev », a indiqué la chaîne Rybar, proche de l’armée.

Selon la même source, une base aérienne militaire située de la ville russe de Morozovsk a également été visée.

Le gouverneur de la région russe de Koursk, Roman Starovoït, plus au nord et elle aussi frontalière de l’Ukraine, a déclaré de son côté qu’une clinique avait été endommagée par une attaque.

Il a publié une vidéo le montrant devant l’établissement visiblement endommagé, assurant qu’il n’y avait pas de victimes.

En fin de journée, Evguéni Balitski, responsable de l’administration d’occupation dans la région ukrainienne de Zaporijjia, en partie conquise par Moscou, a lui affirmé samedi qu’une attaque de drones avait provoqué l’incendie d’un équipement du réseau électrique, sans faire de blessés.

Selon lui, cette structure alimente en électricité la ville ukrainienne de Polohi occupée par Moscou depuis mars 2022 et à proximité du front. Des pompiers sont sur place pour éteindre les flammes, toujours selon M. Balitski.