(Genève) Davantage de morts civils, de personnes torturées, de violences sexuelles, qui relèvent de crimes de guerre, mais aussi l’escamotage d’innombrables biens culturels : des enquêteurs de l’ONU dressent un nouveau bilan accablant de la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine depuis plus de deux ans.

La commission d’enquête créée par le Conseil des droits de l’homme a trouvé « de nouvelles preuves que les autorités russes ont violé les droits humains internationaux, les lois humanitaires internationales et commis les crimes de guerre correspondants », au terme de 16 nouvelles visites en Ukraine et d’entretiens avec 422 femmes et 394 hommes pour établir les faits publiés vendredi.

« La Commission est préoccupée par l’ampleur, la persistance et la gravité des violations et des crimes sur lesquels elle a enquêté ainsi que par leur impact sur les victimes et les communautés affectées », insiste le nouveau rapport, qui vient compléter les enquêtes précédentes de la Commission publiées l’année dernière.  

Elle « confirme ses conclusions précédentes, selon lesquelles la multiplicité de ces attaques (en Ukraine NDLR) témoigne du dédain de la part des forces armées russes, pour les dommages pouvant être causés aux civils », soulignent les enquêteurs.  

Torture systématique

« De nouveaux éléments de preuve renforcent les conclusions précédentes de la Commission, selon lesquelles la torture utilisée par les autorités russes en Ukraine et dans la Fédération de Russie est généralisée et systématique », ajoutent-ils.

Le nouveau rapport décrit notamment les « traitements horribles » infligés à des prisonniers de guerre ukrainiens dans plusieurs centres de détention de la Fédération de Russie.

« Les récits des victimes révèlent des traitements brutaux et implacables, qui leur infligent des douleurs et des souffrances intenses au cours d’une détention prolongée, au mépris flagrant de la dignité humaine », écrivent les enquêteurs, notant les traumatismes physiques et mentaux durables dont souffrent ces victimes.  

Le rapport détaille le sort d’un soldat ukrainien qui a été arrêté et torturé par les autorités russes dans plusieurs centres de détention.

Il a raconté « son expérience dans la colonie pénitentiaire de la ville de Donskoy, dans la région de Toula, où il a été torturé à plusieurs reprises et s’est retrouvé avec des os et des dents cassés et la gangrène à un pied blessé ».  

« J’ai perdu tout espoir et toute volonté de vivre », a déclaré le soldat, ajoutant qu’il avait tenté de se suicider mais que les agresseurs l’avaient à nouveau battu. Après sa libération, le militaire a été hospitalisé 36 fois, expliquent les enquêteurs.

La nature, la tendance et les méthodes utilisées pour la torture « suggèrent qu’il existe une politique plus clairement définie », a souligné l’une des commissaires, Vrinda Grover, lors d’un point de presse à Genève.

Le rapport documente aussi « des viols et autres violences sexuelles infligées à des femmes dans des circonstances qui relèvent de la torture » et l’enquête a permis « de trouver des preuves supplémentaires du transfert illégal d’enfants dans les zones sous contrôle russe ».

Cathédrale d’Odessa

Pour la première fois, les enquêteurs se sont aussi penchés sur le sort réservé aux objets culturels et aux archives dans les territoires occupés.

Ils ont plus particulièrement enquêté sur la ville de Kherson et celle d’Odessa.

 « Les autorités russes ont transféré des objets culturels du Musée d’art régional de Kherson et des archives » provinciales, en Crimée, annexée en 2014 par Moscou.

 « Selon les estimations du personnel des deux institutions, plus de 10 000 objets du Musée et 70 % des documents du bâtiment principal des archives d’État ont été retirés », souligne le rapport.

Les autorités locales ont invoqué la nécessité de protéger ces objets de la destruction.

Pour les enquêteurs, les autorités ont commis un crime de guerre en s’accaparant les biens ukrainiens, notamment par le biais d’une loi adoptée en mars 2023 qui stipule que ces biens et archives saisis appartiennent désormais à la Russie.

Concernant Odessa, le rapport détaille des bombardements russes fin juillet 2023 qui ont touché des bâtiments culturels, cultuels ou historiques, « tous situés dans le centre historique » de la ville, y compris la cathédrale de la Transfiguration.

 « Ces attaques frappent des biens culturels qui bénéficient d’une protection particulière en vertu du droit international humanitaire », note le rapport.