(Kazan) Un tribunal russe a prolongé lundi la détention de la journaliste russo-américaine Alsu Kurmasheva jusqu’au 5 juin, selon un journaliste de l’AFP présent à l’audience.

Cette reporter de Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), média financé par le Congrès américain, a été arrêtée en octobre 2023 pour ne pas s’être enregistrée en tant qu’« agent de l’étranger », qualificatif imposé par la justice russe qui oblige les personnes ou entités visées à de lourdes contraintes administratives.

Selon son média, elle est également accusée de diffusion de « fausses informations » sur l’armée russe, passible de 15 ans de prison.

Lors de l’audience lundi à Kazan, capitale de la république russe du Tatarstan, Mme Kurmasheva est apparue souriante, mais s’est plainte de ses conditions de détention en raison du mauvais état de sa cellule.

« Cette cellule fait 5 mètres carrés pour deux personnes, il n’y a pas d’eau chaude. Au lieu de toilettes, il y a un trou dans le sol. Il n’y a même pas un demi-mètre de place libre pour passer », a-t-elle dénoncé.

« Les accusations portées contre Alsu sont sans fondement. Il ne s’agit pas d’une procédure légale, mais d’un stratagème politique, et Alsu et sa famille paient un prix terrible de manière injustifiée », a dénoncé dans un message le président de RFE/RL, Stephen Capus.

Le porte-parole du département d’État américain, Matthew Miller, a affirmé que les États-Unis étaient « profondément préoccupés » par sa détention.

« Nous condamnons avec la plus grande fermeté les tentatives répétées du Kremlin d’intimider, de réprimer et de punir les journalistes et les voix de la société civile », a-t-il dit.

Selon Matthew Miller, les accusations visant Mme Kurmasheva ne sont « qu’un signe de plus de la faiblesse du régime de Poutine ».

La journaliste, qui réside d’ordinaire à Prague avec son mari et ses deux filles adolescentes, était allée en Russie pour rendre visite à sa mère malade le 20 mai 2023 mais n’avait pas pu repartir, ses passeports américain et russe lui ayant été confisqués.

D’après des médias russes, l’accusation de diffusion de « fausses informations » portées contre elle est liée à sa participation à la publication d’un livre de témoignages de Russes opposés à l’offensive en Ukraine.

Des ONG estiment que la détention d’Alsu Kurmasheva constitue une nouvelle étape dans la campagne russe contre les médias indépendants, qui s’est intensifiée depuis l’offensive russe en Ukraine en février 2022.

Washington accuse aussi Moscou de procéder à des arrestations injustifiées de citoyens américains pour pouvoir les échanger contre des Russes détenus en Occident.

Alsu Kurmasheva, qui a rejoint RFE/RL en 1998, travaille pour son service en langues tatare et bachkire, couvrant ces minorités ethniques de Russie peuplant en particulier le Tatarstan et le Bachkortostan, des régions de la Volga et de l’Oural.

Autre journaliste américain détenu en Russie, Evan Gershkovich a été interpellé en mars 2023 en plein reportage et est depuis détenu à Moscou pour des accusations d’espionnage qu’il rejette. Sa détention provisoire a été prolongée fin mars jusqu’au 30 juin.

La Russie a reconnu mener des pourparlers en vue d’un échange de prisonniers, le président Vladimir Poutine évoquant le cas d’un Russe, condamné pour un assassinat à Berlin, crime que l’Allemagne considère comme une opération commanditée par Moscou.