Natalia Kniazeva, 36 ans

Originaire de la banlieue de Kyiv, cette trentenaire a vu sa maison saccagée par les soldats russes au début de l’invasion. Elle et son mari, Andrii, ont alors voulu rejoindre l’armée. Seul Andrii a été accepté. « Je pense que l’armée avait alors suffisamment d’hommes. » Natalia est alors retournée à la vie civile.

Il faut dire aussi qu’il y a beaucoup de sexisme chez les militaires : pour qu’un homme soit accepté, il lui suffit de tenir sur ses deux jambes. Pour une femme, en revanche, il faut au moins dix certificats de compétence.

Natalia Kniazeva

Les mois se sont égrenés, les cimetières se sont remplis et les mauvaises nouvelles en provenance du front se sont accumulées. L’automne dernier, n’y tenant plus, Natalia a décidé de repartir à l’assaut de l’armée. Et puisqu’une femme doit montrer patte blanche, elle a enchaîné les qualifications. « J’ai réalisé une formation approfondie au maniement des armes et je commence une formation de pilote de drone. Avec ça, je suis à peu près sûre d’être acceptée », tonne-t-elle en extirpant un drone de son sac. L’engin disparaît bientôt dans le ciel de Kyiv. D’ici peu, les entraînements laisseront place à d’authentiques missions dans les tranchées du Donbass.

Dzvenyslava Rymar, 28 ans

PHOTO ANTONI LALLICAN, COLLABORATION SPÉCIALE

Dzevnysvala Rymar, 28 ans, volontaire dans l’armée ukrainienne depuis septembre 2022, dans une maison servant de base à son unité à l’arrière du front d’Avdiïvka

De la conception d’hôtels et de spas à Lviv aux tranchées du Donbass : en l’espace d’un an, la vie de cette architecte d’intérieur de 28 ans a connu un retournement complet. « Je me suis portée volontaire pour tenter de faire la différence. Toutes les bonnes volontés doivent s’y mettre si nous voulons gagner. Peu importe le sexe », juge la jeune femme depuis l’intérieur d’un blindé américain positionné non loin d’Avdiïvka. D’abord engagée comme aide médicale, elle n’a pas tardé à se retrouver en première ligne lors de la contre-offensive d’été, aux alentours de Zaporijjia.

Je pensais que j’aurais peur, mais cela ne s’est pas produit. Mon mari s’est porté volontaire dans l’artillerie, plusieurs de mes amies se sont aussi engagées. Savoir que je fais partie d’un groupe, que je suis à ma place, me donne une force incroyable.

Dzvenyslava Rymar

« Mon rêve est de devenir officière, car notre commandement est encore imprégné de concepts militaires soviétiques, souvent dépassés. Il faut du sang neuf, de nouvelles idées. Étant donné que la Russie dispose de ressources plus importantes que celles de l’Ukraine, il n’y a qu’en innovant que nous l’emporterons. »

Valentina, 19 ans

PHOTO ANTONI LALLICAN, COLLABORATION SPÉCIALE

Valentina

Cette étudiante de Kyiv a remué ciel et terre pour rejoindre l’armée en février 2022. D’abord affectée aux cuisines, elle a rencontré Olexii, un soldat de 21 ans au visage juvénile. Elle le surnomme « ma perle », le couple est tombé éperdument amoureux. L’hiver suivant, ils ont été envoyés en première ligne lors de la bataille de Lyman, dans le Donbass. Olexii est mort dans une tranchée, percuté par un obus de char. Depuis le centre de commandement, où elle assurait les transmissions radio, Valentina a assisté à la scène en direct grâce aux images d’un drone.

Je me suis ruée sur place et j’ai creusé la terre à mains nues pour retrouver ses restes. Il n’avait plus de visage ni de membres.

Valentina

Lors de l’enterrement d’Olexii, une main s’est posée sur l’épaule de Valentina. « Je connais ta peine. Rejoins mon unité, je te donnerai les moyens de te venger », lui a glissé à l’oreille Olga Bihar. Le duo est alors devenu inséparable. Consumée par la guerre et le chagrin, Valentina est devenue insensible aux bombardements et ne s’extrait plus que rarement de la ligne de front.

Darya Trebukh, 34 ans

PHOTO ANTONI LALLICAN, COLLABORATION SPÉCIALE

Darya Trebukh, ancienne chasseuse de têtes de 34 ans et fondatrice de Valkyries. L’association créée fin 2022 aurait déjà formé un millier de femmes âgées de 18 à 60 ans aux techniques de combat.

Recruteuse dans le secteur de la construction pendant la semaine, formatrice militaire le week-end : comme beaucoup d’Ukrainiennes, le quotidien de Darya Trebukh a été percuté de plein fouet par l’invasion russe. Alors que les troupes du Kremlin fonçaient sur Kyiv, début 2022, la trentenaire a passé des semaines à arpenter la ville pour porter des médicaments aux personnes âgées et aux soldats sur la ligne de front. Puis elle a créé l’association « Valkyries », du nom de ces divinités de la mythologie nordique qui dirigeaient les batailles pour le compte du dieu Odin.

Les massacres de Boutcha et d’Irpine [deux villes de la banlieue de Kyiv occupées par les troupes du Kremlin en mars 2022] ont révélé que beaucoup de femmes n’avaient pas su réagir à l’arrivée des troupes russes. L’idée de l’association est née de ce constat.

Darya Trebukh, fondatrice de l’association « Valkyries »

« Nous enseignons le maniement des armes, mais aussi à survivre à une occupation. Car même en cas de cessez-le-feu, l’Ukraine devra vivre aux côtés d’une Russie hostile. La guerre pourra revenir à tout moment. Les femmes doivent donc urgemment se former à la chose miliaire. »