Vous voulez causer politique avec des Portugais ? Allez faire un tour au Café central de la rue Duluth. Entre les odeurs de sardines grillées, les écrans de télévision et les petits vieux qui jouent aux cartes, vous trouverez toujours quelqu’un pour parler des élections – surtout des hommes, il faut bien le dire, car ce sont eux qui composent le gros de la clientèle.

Premier constat : le scrutin de dimanche est loin de les laisser indifférents, même si Montréal est à 5200 kilomètres de Lisbonne et que plusieurs ont quitté le pays depuis des décennies.

Deuxième constat : ces élections semblent les animer, les récents déboires du Parti socialiste (PS) et la montée de Chega provoquant de sérieux débats aux tables que nous avons sollicitées.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

De gauche à droite : Ricardo Mendes, Paulo Ferreira et Fernando Barbosa

Réunis autour d’un poulet et d’un verre de vin, Ricardo Mendes, Paulo Ferreira et Fernando Barbosa incarnent ainsi deux tendances électorales. Paulo et Fernando appuient Chega, tandis que Ricardo veut rester fidèle au PS.

Ricardo pense qu’il faut laisser la chance aux socialistes, qui ont un bilan très positif. Il rappelle que le salaire minimum a doublé en huit ans et que le taux de chômage a largement diminué, passant de 18 à 7 %. « Les chiffres sont très bons. Tout le monde travaille », dit-il.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

De gauche à droite : Paulo Ferreira, Fernando Barbosa et Ricardo Mendes

Cela ne suffit pas à convaincre Paulo et Fernando, qui adhèrent plutôt au discours anti-immigrants d’André Ventura. « Va sur la place Martim-Moniz à Lisbonne. Pour un Portugais, il y a sept personnes du Bangladesh », résume Fernando.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Paulo Ferreira (t-shirt blanc) et Ricardo Mendes (à gauche).

Tous deux sont convaincus que la hausse de la criminalité est en partie imputable à la hausse de l’immigration. « Le problème, c’est que ce n’est pas contrôlé », fait valoir Paulo.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le scrutin de dimanche est loin de laisser indifférente la communauté portugaise de Montréal.

Le ton monte. Ricardo reprend la main. « Il y a plus d’immigrants, oui, parce qu’il y a besoin de main-d’œuvre. C’est aussi simple que ça. » Selon lui, le leader de Chega exalte beaucoup trop le négatif. Et si ses deux amis sont convaincus par son discours, c’est parce qu’ils regardent beaucoup trop la télévision. « La télé, c’est comme une loupe sur les mauvaises choses », dit-il.

Fernando hausse les épaules. Il pense que Chega va « réveiller » les Portugais, qui en ont bien besoin. « Tu vas voir, ils vont faire un meilleur résultat que prévu. »

Deux tables plus loin, on joue une carte plus modérée. Personne ici ne veut voter pour Chega, jugé trop radical, ni pour le PS, qu’on considère comme « usé ». On va donc se rabattre sur l’Alliance démocratique, le bloc de droite mené par le Parti social-démocrate (PSD).

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Jose Domingues, Manuel Perreira et Domingo Borges

« Je suis tanné de voir le PS, ça fait trop longtemps qu’ils sont là », tranche Domingo Borges. Même son de cloche chez Manuel Perreira, qui en a marre du PS, « entre autres » à cause des affaires de corruption, mais qui ne fait pas plus confiance à Chega et à son leader. « Je ne suis pas extrême à ce point-là ! », lance-t-il. Pour lui, André Ventura est un démagogue, qui « dit ce que le monde veut entendre ».

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Au Café central portugais, vous trouverez toujours quelqu’un pour parler des élections.

Rien ne prouve par ailleurs qu’il lavera plus blanc que ceux qu’il dénonce, croit M. Perreira. « Il est contre la corruption, mais ça ne veut pas dire qu’il ne fera pas la même chose. »

« La corruption, il y en avait déjà avant, ajoute M. Borges. Il y en avait déjà dans le temps des rois ! »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Carlos Moleirinho, un des propriétaires du Café central portugais, votera pour Chega ! « Je sais qu’ils ne vont pas gagner, mais on a besoin de changement. Depuis 50 ans, c’est toujours les mêmes… », affirme-t-il.

Une autre voix, enfin, s’élève parmi le bruit des verres et des assiettes. C’est celle de Fernando Ramos, arrivé au Québec en 1971 à l’âge de 9 ans. Pour lui, la réponse est encore plus simple : il ne vote pas aux élections portugaises parce que de toute façon, « ce sont tous des voleurs et des menteurs », à commencer, bien sûr, par le Parti socialiste.

L’autre raison, c’est qu’il a vraiment refait ses racines ici, comme la plupart des Portugais de la communauté.

Comme il le dit lui-même : « Mes enfants sont nés icitte. Pis c’est icitte que je vote. Dans mon pays : le Québec et le Canada… »