La campagne présidentielle survenue en décembre en Argentine a permis d’entrevoir comment l’intelligence artificielle pourrait être mise à profit à court terme dans la sphère politique de nombreux pays.

Les équipes de campagne des deux principaux candidats ont fait usage de la technologie à plusieurs reprises pour produire des photos et des vidéos glorifiant leur champion ou dénigrant, généralement de manière caricaturale, leur adversaire.

L’IA au service des candidats
  • Sur cette image créée grâce à l’IA, Sergio Massa est dépeint en Mao Zedong, le père de la République populaire de Chine, par le camp de Milei. Le dirigeant populiste a multiplié les appels à lutter contre « le gauchisme » et le « marxisme culturel » durant sa campagne.

    IMAGE TIRÉE DU COMPTE X DE JAVIER MILEI

    Sur cette image créée grâce à l’IA, Sergio Massa est dépeint en Mao Zedong, le père de la République populaire de Chine, par le camp de Milei. Le dirigeant populiste a multiplié les appels à lutter contre « le gauchisme » et le « marxisme culturel » durant sa campagne.

  • L’équipe de campagne du candidat péroniste a abondamment utilisé l’intelligence artificielle pour dépeindre Sergio Massa en héros du peuple argentin.

    IMAGE FOURNIE PAR THE NEW YORK TIMES

    L’équipe de campagne du candidat péroniste a abondamment utilisé l’intelligence artificielle pour dépeindre Sergio Massa en héros du peuple argentin.

  • Affiche électorale de Sergio Massa générée grâce à l’intelligence artificielle.

    IMAGE FOURNIE PAR THE NEW YORK TIMES

    Affiche électorale de Sergio Massa générée grâce à l’intelligence artificielle.

  • Comparé à l’Américain Donald Trump ou encore au Brésilien Jair Bolsonaro, Javier Milei, nouveau président de l’Argentine, que beaucoup associent à l’extrême droite, est ici dépeint en pirate sanguinaire sur cette image diffusée par ses opposants durant la campagne électorale.

    IMAGE TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @IAXLAPATRIA

    Comparé à l’Américain Donald Trump ou encore au Brésilien Jair Bolsonaro, Javier Milei, nouveau président de l’Argentine, que beaucoup associent à l’extrême droite, est ici dépeint en pirate sanguinaire sur cette image diffusée par ses opposants durant la campagne électorale.

  • Toujours ce thème du héros pour Sergio Massa, ici en chasseur de fantômes de Ghostbusters

    IMAGE TIRÉE DU COMPTE INSTAGRAM @IAXLAPATRIA

    Toujours ce thème du héros pour Sergio Massa, ici en chasseur de fantômes de Ghostbusters

1/5
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Le camp du candidat péroniste Sergio Massa a notamment représenté l’éventuel gagnant, Javier Milei, comme Alex DeLarge, personnage central ultraviolent du film A Clockwork Orange, de Stanley Kubrick.

Son équipe a aussi fait circuler une vidéo dans laquelle le futur chef d’État expliquait que les enfants pouvaient être considérés comme des actifs en raison de la valeur future de leurs organes. Le message précisait que l’IA avait été utilisée pour compléter la pensée de M. Milei après qu’il a formulé publiquement un commentaire ambigu sur ce thème.

PHOTO SARAH PABST, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Javier Milei saluant ses partisans lors d’un rassemblement à Salta, ville du nord-ouest de l’Argentine, durant la campagne électorale, le 12 octobre dernier

L’équipe de M. Milei, un libertarien férocement opposé à la gauche, a utilisé l’IA pour produire une affiche dépeignant son opposant comme un dirigeant communiste chinois.

Une vidéo, dont la source n’a pu être identifiée, a par ailleurs été diffusée dans laquelle on voyait prétendument M. Massa en train de consommer de la cocaïne.

PHOTO GUSTAVO GARELLO, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Sergio Massa remercie ses partisans, alors qu’il reconnaît sa défaite à l’élection présidentielle, à Buenos Aires, le 19 novembre dernier.

Une équipe de vérificateurs de faits a conclu que la version originale de la vidéo datait de 2016 et avait été manipulée – potentiellement avec de l’IA – pour y greffer le visage du candidat péroniste et lui faire dire, en imitant sa voix, que la « cocaïne est bonne ».

Bien que les médias internationaux aient fait grand cas de l’utilisation de l’IA, son importance dans le résultat du scrutin demeure impossible à évaluer.

Olivia Sohr, une journaliste travaillant pour le site de vérification de faits Chequeado, note que la désinformation « traditionnelle » était bien plus importante durant la campagne.

Les électeurs ont été exposés à de fausses captures d’écran d’émissions de nouvelles dans lesquelles le contenu du bandeau défilant a été modifié pour faire dire à un candidat quelque chose qu’il n’avait pas dit. Des vidéos ont par ailleurs été utilisées au ralenti pour donner l’impression qu’un candidat était ivre ou reprendre hors contexte des citations, illustre-t-elle.

Beaucoup de ces techniques sont beaucoup moins coûteuses à utiliser que l’IA.

Olivia Sohr, journaliste du site de vérification de faits Chequeado

Dans un rapport paru en 2022, la Rand Corporation avait relevé que des vidéos hypertruquées (deepfakes) sophistiquées demeuraient coûteuses à produire et pourraient mettre du temps à s’imposer, notamment parce que des vidéos modifiées sommairement pouvaient s’avérer très efficaces pour renforcer les préjugés d’un segment de l’électorat.

L’IA ne joue pas pour l’heure un rôle déterminant en matière de désinformation en Argentine, mais elle représente tout de même un problème puisqu’elle offre à la classe politique un prétexte pour démentir des vidéos ou des photos authentiques et embarrassantes, dit Mme Sohr.

« Pour l’instant, les possibilités théoriques offertes par l’IA sont plus problématiques que les vidéos qui en découlent », dit-elle.

Un scrutin influencé ?

PHOTO DENES ERDOS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le premier ministre slovaque Robert Fico

Les élections législatives en Slovaquie, marquées par le retour au pouvoir de l’ex-premier ministre prorusse Robert Fico, ont été marquées par l’IA. Moins de 48 heures avant le vote, un enregistrement dans lequel son principal opposant, Michal Šimečka, semblait discuter avec une journaliste d’un stratagème pour fausser le résultat du scrutin a été mis en ligne. La sortie de l’enregistrement, éventuellement identifié comme une fabrication par des vérificateurs de faits, est survenue alors que médias et politiciens devaient éviter toute intervention relativement à l’élection, ce qui compliquait les démentis. L’Union européenne avait prévenu quelques jours avant le scrutin, remporté par une faible marge, que la Russie était susceptible d’intervenir pour perturber son déroulement. Moscou a plutôt accusé les États-Unis de vouloir s’immiscer dans le vote.