L'ombre hostile de Téhéran plane sur les négociations entre Irakiens et Américains sur le maintien de forces armées américaines en Irak jusqu'à fin 2011, estiment des hommes politiques irakiens et des analystes.

«L'Iran agit en fonction de ses intérêts nationaux et il estime que la présence américaine est une menace. Il souhaite donc le départ des troupes et, en tout cas, il ne souhaite pas laisser en paix les Américains», déclare à l'AFP le ministre irakien des Sciences et le Technologie, Raed Jahid Fahmi.

Depuis l'invasion conduite par les Etats-unis en 2003 et, surtout, depuis l'arrivée au pouvoir en 2005 de ses alliés chiites, Téhéran jouit d'une influence considérable chez son voisin. Partageant les mêmes convictions religieuses, plusieurs hauts responsables actuels avaient trouvé refuge en Iran durant la dictature de Saddam Hussein.

«Pendant les négociations, nous avons cherché à calmer les appréhensions de nos voisins (iraniens, ndlr) et nous avons été très attentifs dans les discussions avec les Etats-unis à ce que le projet de traité n'apparaisse pas comme une menace envers quiconque», ajoute Raed Jahid Fahmi, évoquant l'accord sur le futur statut des forces américaines en Irak.

Ainsi, un autre ministre interrogé par l'AFP mais qui a requis l'anonymat, a confié que, en conseil des ministres, des membres du gouvernement ont insisté sur le droit de l'Irak de garder un oeil sur le matériel américain entrant dans le pays afin d'éviter que soient acheminés des équipements pouvant servir à l'espionnage ou à une offensive contre l'Iran.

Selon un député proche des négociations, en réunion du cabinet, un vif échange a opposé deux ministres sur le rôle de l'Iran.

«Ce pays n'arrête pas de mettre son nez dans nos affaires et c'est inadmissible», a dit l'un deux.

«Arrêtez d'accuser l'Iran à tort et à travers», lui a rétorqué son collègue.

«Non, mon frère, il faut que cela se sache», a répliqué le premier.

Pour Joost Hiltermann, directeur pour le Moyen-Orient de l'International Crisis Group, «l'objectif général de l'Iran est de contrecarrer les efforts des Américains de reconstruction de l'Irak et, surtout, d'empêcher Washington de récolter un succès qui pourrait lui servir de tremplin pour menacer l'Iran».

«Un retard dans la signature d'un pacte de sécurité porterait un sale coup à l'administration Bush et l'Iran n'a pas beaucoup d'efforts à faire pour obtenir ce résultat», a ajouté ce chercheur basé à Istanbul.

«Il suffit qu'il joue sur les sentiments nationalistes des Irakiens en insistant notamment sur l'immunité dont bénéficieront les soldats américains et la perspective d'une présence américaine à long terme dans leur pays», a-t-il souligné.

Bagdad et Washington négocient depuis février un accord, baptisé Sofa (Status of Forces Agreement), qui doit donner un cadre légal à la présence américaine après expiration du mandat de l'ONU le 31 décembre 2008.

Relativement discret, l'Iran a fait son entrée dans les négociations sous la forme d'accusations de tentatives de corruption par Téhéran de députés irakiens lancées par le commandant de la coalition en Irak, le général américain Raymond Odierno.

Depuis, les déclarations se multiplient à Bagdad, Washington et Téhéran. Et l'anxiété est plus que perceptible dans la classe politique irakienne. Des députés ont même assuré craindre pour leur vie s'ils votaient l'accord.

A l'approche de l'heure décisive, Téhéran a multiplié les mises en garde. L'ayatollah iranien Kazem al-Hosseini al-Haeri, présenté comme le mentor du leader radical chiite irakien Moqtada Sadr, a affirmé dans une fatwa que cet «accord est haram», interdit par l'islam.

Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a sévèrement critiqué le texte.

«Les Américains ont montré qu'ils ne respectaient aucun accord et que si leurs intérêts l'exigent, ils sont prêts à sacrifier leurs plus proches amis», a lancé jeudi le chef de l'Etat iranien.