On connaîtra d'ici quelques jours les résultats officiels des élections provinciales irakiennes de samedi dernier. Ce qu'on sait déjà, en revanche, c'est que le scrutin s'est déroulé sans incident majeur. L'événement a été salué tant par le premier ministre irakien Nouri al-Maliki que le président américain Barack Obama. L'ancien envoyé spécial de la Ligue arabe en Irak, Mokhtar Lamani, n'est toutefois pas aussi enthousiaste. Ce spécialiste, actuellement chercheur invité au Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale de Waterloo, en Ontario, estime que le vote représente par-dessus tout un désaveu des politiciens au pouvoir en Irak.

Q: À l'issue des élections provinciales, le premier ministre chiite d'Irak, Nouri al-Maliki, a affirmé qu'il s'agit d'une "grande victoire pour le peuple irakien". Partagez-vous son avis? 

R: Pas du tout. Il semble que sa liste électorale ait fait quelques progrès dans les régions du sud du pays, où il avait des problèmes. Mais est-ce que l'Irak a fait un grand gain? Non. Selon le président de la Commission centrale des élections, le taux final de participation est de 51%. Aux élections précédentes, le taux de participation était de 55,7%. À voir ces chiffres officiels, je ne peux pas dire que c'est un grand gain pour le peuple irakien.

 

Q: Le président américain Barack Obama a dit pour sa part qu'il s'agissait d'un "pas en avant". L'absence de violence, lors de ce scrutin, semble en effet un réel progrès.

 

R: Il y a une évolution incontestable. Il y a moins de morts maintenant qu'il y a trois ans, c'est incontestable. Mais c'est avant tout en grande partie le résultat du fait que Bagdad est partagé en une quarantaine de cantons et qu'il est pratiquement impossible de se déplacer de l'un a l'autre. Parce que des blocs de béton armé partagent tous les quartiers. Il y a eu une division ethnique et sectaire des gens. C'est tout à fait normal que ce béton armé ait eu un impact sur la sécurité. Mais il n'y a pas de projet national commun pour la population.

 

Q: La minorité sunnite détenait le pouvoir avant la chute de Saddam Hussein. Depuis, elle avait boudé le processus politique. Les élections de samedi laissent croire qu'elle commence à vouloir y participer. C'est bon signe?

 

R: Les sunnites se sont rendu compte qu'ils avaient beaucoup perdu. Selon les chiffres officiels, la région qui a voté le plus lors du scrutin est une région sunnite, le gouvernorat de Salah Ad-Din, à 65%. Bon, ce n'est pas non plus un taux de participation à 90%... Ce qu'on a aussi constaté, ce sont les pertes des islamistes. Le Parti islamique sunnite a perdu partout. C'est la liste d'Al Mutlaq - un des leaders sunnites au Parlement actuel - qui semble voir fait des gains sérieux dans les régions sunnites. Il avait appelé sa liste,Rassemblement du projet irakien national. Les citoyens irakiens, qui se sont déplacés pour aller voter, avaient donc en tête de punir ceux qui étaient au pouvoir. Particulièrement le Conseil suprême de la révolution islamique du côté chiite et le Parti islamique du côté sunnite.

 

Q: Est-ce que le bon déroulement des élections peut laisser présager un retrait rapide des troupes américaines en Irak, comme l'a promis Barack Obama?

 

R: Quelques jours avant les élections américaines, j'ai eu des rencontres à Washington avec le groupe d'Obama qui s'occupe de l'Irak. L'impression que j'ai gardée, c'est qu'ils sont sérieux quant à leur objectif de quitter l'Irak en 16 mois. Cela m'a été confirmé par toutes les déclarations entendues depuis les élections américaines.