La sécurité a été le thème majeur de la campagne électorale israélienne qui se termine. Les roquettes palestiniennes et le désenchantement face au processus de paix poussent les électeurs à voter à droite. Très à droite.

Une jeune femme vêtue d'un bikini minimaliste se prélasse sur une plage. Elle aimerait se baigner, mais la mer est agitée et son compagnon essaie de la dissuader de se jeter à l'eau.

 

Il te faudrait un maître nageur, quelqu'un d'expérimenté qui puisse assurer ta sécurité, argumente le jeune homme. Puis il précise: dans les eaux tumultueuses israéliennes, ce «maître nageur», c'est le leader travailliste Ehoud Barak.

Les principaux partis qui se disputent aujourd'hui la faveur des électeurs israéliens ne diffusent pas tous des publicités aussi accrocheuses. Mais ils partagent la même obsession: celle de la sécurité.

«Nous avions averti qu'en cas de retrait israélien, la bande de Gaza se transformerait en un Hamastan qui ferait pleuvoir des roquettes sur Israël. Et c'est précisément ce qui s'est produit», a lancé le favori de la course électorale, Benyamin Nétanyahou, chef du Likoud, lors d'une rencontre avec des électeurs, la semaine dernière à Jérusalem.

«Nous faisons face à un danger sans précédent, celui du régime génocidaire de l'Iran», a clamé la journaliste Caroline Glick, conférencière au même rassemblement.

Le thème des menaces qui pèsent sur Israël est omniprésent. «Ehoud Barak se présente comme Monsieur sécurité, Benyamin Nétanyahou insiste sur le danger que représentent l'Iran et le Hamas et Tzipi Livni ne cesse de répéter que même si elle est une femme, elle a la poigne aussi dure, sinon plus, que ses rivaux», souligne l'analyste Yossi Alpher.

Si ce message passe aussi bien auprès des électeurs, c'est que la vaste majorité ne croit plus au processus de paix. Et que les Israéliens se sentent assiégés par des ennemis qui ont pris le contrôle des territoires autrefois occupés par leur pays. Au nord, le Liban et le Hezbollah. Au sud, la bande de Gaza et le Hamas.

Pendant que les pourparlers sur un cessez-le-feu avec Gaza se poursuivent, les tireurs du Hamas visent presque quotidiennement des villes du sud du pays. Encore dimanche, une roquette Qassam est tombée sur Ashkelon. Une autre a détruit une auto garée dans le stationnement d'un kibboutz. Même s'ils font relativement peu de victimes, ces tirs alimentent la peur.

«Nous faisons face à une constellation de menaces», dit un partisan de Benyamin Nétanyahou à Jérusalem.

«Les partis qui ne parlent pas de sécurité perdent des votes», constate Yakir Zehev, un réserviste de l'armée israélienne qui travaille dans le domaine du tourisme.

Et le discours sécuritaire loge surtout à droite. Chez des leaders comme Benyamin Nétanyahou, qui veut «finir la guerre contre Gaza». Ou encore Avigdor Lieberman, le chef du controversé du parti Yisrael Beitenou, qui s'en prend même à la minorité arabe, les «ennemis intérieurs» d'Israël.

Selon les derniers sondages, le bloc de droite pourrait devancer les partis de centre par une bonne douzaine de sièges.

Gérer le conflit

Selon plusieurs analystes, ce virage vers la droite est l'aboutissement d'un processus qui s'est amorcé avec la faillite des négociations de paix à Camp David, en 2000. Depuis, il y a eu d'autres échecs diplomatiques sur fond d'intifada, de retraits unilatéraux et de guerres.

L'optimisme collectif en a pris un coup. «La notion de paix négociée est aujourd'hui largement discréditée en Israël», dit Yossi Alpher.

Selon Menachem Klein, politicologue à l'Université Bar-Ilan, beaucoup d'Israéliens pensent que la création d'un État palestinien aux côtés d'Israël est devenue illusoire.

Menachem Klein a participé à «l'initiative de Genève» qui a abouti à la signature d'un accord entre des politiciens modérés dans les deux camps. C'était il y a cinq ans. L'accord est resté lettre morte.

«Les Israéliens pensent maintenant qu'à défaut de résoudre le conflit, ils devront apprendre à le gérer», constate-t-il aujourd'hui.

Et c'est exactement ce que leur propose Benyamin Nétanyahou, avec sa politique de «paix économique». S'ils accèdent à une plus grande prospérité, les Palestiniens deviendront plus pacifiques, dit-il en gros.

«C'est ridicule, le problème n'est pas économique, mais politique», rétorque le commentateur Jeff Barak dans le Jerusalem Post. Mais ce slogan a l'avantage de ne pas s'accrocher à des projets de négociations, perçus désormais comme irréalistes.

Même chose pour le projet de transfert de populations, prôné par Avigdor Lieberman. «Il a l'avantage d'offrir une solution simple à des problèmes complexes», selon l'analyste Tamar Herman.

«La solution des deux États n'est plus possible, les Palestiniens n'ont qu'à construire eux-mêmes la société civile dont ils ont besoin», pense Jeff Daube, partisan du Likoud.

Les derniers sondages placent Nétanyahou presque à égalité avec la leader centriste Tzipi Livni. Reste que tous s'attendent à une victoire significative du bloc de droite qui mise sur les roulements de tambour, évoque la reprise de la guerre contre Gaza et une éventuelle attaque contre l'Iran.

«C'est la fin d'une ère d'illusions et de faiblesse, et le début d'une ère de force et de clarté», prédit Benyamin Nétanyahou, le probable prochain premier ministre d'Israël.