Il va falloir compter avec lui. Avec sa troisième place stratégique, le controversé Avigdor Lieberman s'impose comme le grand gagnant de ces élections israéliennes sans vainqueur net. Ce colon ultranationaliste, qui a bâti son ascension en stigmatisant la minorité arabe, se retrouve à présent en position de force dans les négociations sur la future coalition.

 

 

D'après les derniers résultats du scrutin de mardi, son parti Israël Beitenou (Israël notre maison) obtiendrait 15 sièges à la Knesset, le Parlement israélien, contre 11 dans la précédente assemblée, et devance les travaillistes. C'est désormais la troisième force politique du pays, derrière Kadima, le parti de Tzipi Livni, et le Likoud conservateur de Benyamin Nétanyahou, au coude à coude avec respectivement 28 et 27 sièges.

Dans ce paysage politique éclaté, Lieberman occupe à présent une place centrale. «C'est Lieberman qui va choisir celui qui formera la future coalition», constate Menachem Hofnung, professeur de sciences politiques à l'Université hébraïque de Jérusalem. «Lieberman s'est imposé comme le faiseur de rois. C'est le vainqueur de ces élections et celui qu'il soutiendra sera le premier ministre».

A 50 ans, Avigdor Lieberman s'était d'abord fait connaître comme l'artisan de la victoire de Nétanyahou, devenu premier ministre en 1996 et dont il a été ensuite chef de cabinet. Puissante éminence grise, cet habitant de la colonie juive de Nokdim en Cisjordanie est devenu très redouté pour ses stratégies offensives et a gagné le surnom du «PDG».

D'origine moldave et parlant toujours avec un fort accent russe, a ensuite créé en 1999 le parti Israël Beitenou, pour représenter le million de migrants venus de l'ex-Union soviétique. Depuis, il a presque quadruplé sa représentation au Parlement, dépassant le cadre de l'immigration russe pour gagner une envergure nationale.

«Sans loyauté, il n'y a pas de citoyenneté», c'était le slogan de sa campagne, placardé sur les bus et les murs de tout le pays, et visant la minorité arabe israélienne, qui représente 20% des sept millions d'habitants.

Avigdor Lieberman voudrait en effet redessiner les frontières d'Israël, rejetant les zones à forte concentration arabe en dehors de l'État hébreu, dans les territoires palestiniens. Les arabes israéliens restants devraient prêter un serment de loyauté à l'État hébreu, sous peine de perdre droit de vote et éligibilité.

Une rhétorique qui a trouvé un écho chez nombre d'électeurs au moment où les relations se tendent entre la communauté juive et les arabes israéliens, qui souffrent de discrimination en terme de services municipaux, éducation et opportunités d'emploi.

«Après chaque guerre, la droite ressort toujours plus forte», explique le professeur Zeev Sternhell de l'université hébraïque. «La popularité de Lieberman est simplement le reflet de la société israélienne. C'est la démocratie et c'est à ça que ressemble la société».

Les pourparlers de paix avec l'Autorité palestinienne n'avancent pas, la guerre contre les islamistes du Hamas au pouvoir dans la Bande de Gaza, ont favorisé le virage à droite en Israël et l'envie d'un leader fort, employant un langage de fermeté. Et Avigdor Lieberman en rajoute dans ce rôle, lui qui clame que les parlementaires arabes israéliens qui rencontrent des chefs du Hamas méritent d'être exécutés et voudrait bombarder l'Iran et l'Égypte.

«Une démocratie n'a pas besoin de se suicider pour prouver qu'elle est juste. Israël doit cesser de s'excuser», plaide-t-il, balayant les accusations de racisme. «Les Arabes ont tous les droits, mais ils n'ont pas de droit sur la terre d'Israël».

Si son serment de loyauté a peu de chances d'être adopté, son bon résultat électoral pourrait lui permettre de faire entendre sa voix en politique étrangère. Et son goût immodéré pour la polémique risque de ne pas faciliter les relations de l'État hébreu avec la communauté internationale.