Barack Obama n'aura peut-être pas à attendre longtemps la première occasion de traduire en gestes l'appel à la réconciliation qu'il a lancé, jeudi, au monde musulman.

Cette occasion pourrait se présenter dès la semaine prochaine, dans un petit pays déchiré qui tient demain des élections cruciales. Où donc? Au Liban.

Le scrutin met en scène deux grandes coalitions. La première, au pouvoir depuis quatre ans, est regroupée autour de Saad Hariri - fils de l'ex-premier ministre Rafiq Hariri, assassiné en 2005. Dominée par les musulmans sunnites, cette formation est anti-syrienne et pro-occidentale.

La seconde, actuellement dans l'opposition, est dominée par le Hezbollah, le mouvement chiite armé qui domine le sud du pays. Pro-syrienne, soutenue par l'Iran, elle est associée au Courant patriotique libre du leader chrétien Michel Aoun.

Les derniers sondages donnent une infime avance à la coalition de l'opposition. Le Hezbollah, parti que plusieurs pays, dont le Canada, considèrent comme une organisation terroriste, pourrait donc remporter avec ses alliés le scrutin de demain.

Cette perspective rappelle le scénario qui s'est joué il y a trois ans, à quelques centaines de kilomètres au sud, quand les Palestiniens ont voté majoritairement pour le Hamas. La communauté internationale avait rejeté ce résultat, qui donnait le pouvoir à un mouvement islamiste responsable de dizaines d'attentats terroristes en Israël.

Le Canada avait alors été le premier à cesser toute aide au gouvernement du Hamas, suivi par la plupart des pays occidentaux. Ce scénario pourrait se répéter au Liban si jamais la coalition du Hezbollah devait gagner, craignent les analystes.

De passage à Beyrouth deux semaines avant le scrutin, le vice-président américain, Joe Biden, a lui-même évoqué cette possibilité. «Les électeurs ont le droit de choisir, mais le partenariat américain dépendra de leur engagement en faveur de la liberté», a-t-il averti. Traduction: votez comme vous voulez ; au pis aller, on vous coupera les vivres.

Pourtant, l'expérience palestinienne montre que ce genre de punition collective ne règle rien, au contraire. «À Gaza, cette attitude a contribué aux dissensions internes», souligne la politologue Marie-Joëlle Zahar.

Le Liban n'a vraiment pas besoin qu'on exacerbe ses dissensions, déjà assez vives, merci. Les deux grands courants politiques avaient frôlé la guerre civile avant de conclure une trêve, il y a un an. Cette trêve demeure ultrafragile. Et les sujets délicats ne manquent pas. Au premier plan: le désarmement du Hezbollah, prévu par les résolutions internationales mais rejeté, comme on l'imagine, par ce mouvement qui s'appuie sur une véritable armée.

Le sort des élections se joue dans une quinzaine de circonscriptions chrétiennes. Quel que soit le vainqueur du vote de demain, sa majorité sera famélique. Ce qui promet des lendemains électoraux périlleux.

Pas étonnant que l'International Crisis Group (ICG), groupe de recherche sur les conflits, qualifie ces élections de «rendez-vous piégé».

Selon un responsable américain cité par l'ICG, le Liban se trouve déjà en situation de «guerre civile froide». L'impasse se prolongera, peu importe l'issue du vote. «À terme, tout cela peut finir par une nouvelle guerre chaude».

En ostracisant un éventuel gouvernement du Hezbollah, Washington contribuerait à exacerber les tensions. Or, le Liban n'est pas Gaza. Le pouvoir y est savamment réparti entre les nombreuses factions de la mosaïque libanaise. Et il y a longtemps que le Hezbollah fait élire des députés au Parlement.

Les Libanais auraient donc le droit d'envoyer le Hezbollah dans l'opposition, mais pas celui de le faire siéger du côté du pouvoir? Il y a là comme une contradiction, loin, très loin des beaux discours de Barack Obama.

Le scrutin de demain se joue sur un champ de mines. Son issue aura des conséquences internes et externes importantes». Une victoire de l'opposition renforcerait la position de l'Iran et de la Syrie», prévoit le politicologue Sami Aoun.

Si les États-Unis mettent leur menace à exécution, ils ajouteront une goutte d'huile à un cocktail explosif. Au risque de tracer une première égratignure sur la surface lisse des belles paroles de leur président.