Mir Hossein Moussavi, rival malheureux de Mahmoud Ahmadinejad à la présidentielle en Iran, a affirmé dimanche que la contestation contre la fraude était un droit, tout en appelant ses partisans à la «retenue», après la mort d'au moins dix personnes dans une manifestation.

Plus tôt, Téhéran a durci le ton contre l'Occident et en particulier contre la Grande-Bretagne, accusée d'avoir voulu saboter le scrutin présidentiel du 12 juin, alors que la crise la plus grave depuis la fondation de la République islamique en 1979 est entrée dans sa deuxième semaine.

«En tant que personne endeuillée» par les morts de la manifestation de samedi, «j'invite mon cher peuple à la retenue», écrit M. Moussavi, un ancien Premier ministre, dans un communiqué publié par le site internet de son journal Kalemeh.

«Protester contre le mensonge et la fraude est votre droit», poursuit M. Moussavi qui conteste les résultats de l'élection et réclame son annulation.

«Espérez obtenir vos droits et ne permettez pas que ceux qui veulent vous mettre en colère réussissent», déclare le candidat conservateur modéré, disant aussi souhaiter «que la police et l'armée n'agissent pas de manière irréparable envers le peuple».

La télévision d'Etat a affirmé que 10 personnes avaient été tuées et plus de 100 blessées samedi dans des manifestations, mettant en cause des «agents terroristes» munis d'armes à feu et d'explosifs, qu'elle n'a pas identifiés. La chaîne de télévision publique en anglais Press-TV a fait état de 13 morts.

Ces décès portent à au moins 17 le nombre de personnes tuées depuis lundi dernier lors des manifestations contre la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad.

De son côté, le président ultraconservateur a demandé à Londres, mais aussi à Washington, de cesser leurs «ingérences» dans les affaires iraniennes.

«Ce n'est pas en tenant des propos hâtifs que vous entrerez dans le cercle des amis de la nation iranienne», a déclaré Mahmoud Ahmadinejad sur son site internet. «Pour cette raison, je vous demande de cesser vos ingérences.»

Peu auparavant, son ministre des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, a accusé Londres de complot contre l'Iran, affirmant que «des «+éléments+ liés aux services secrets britanniques» avaient afflué en Iran avant l'élection.

A Londres, ces accusations ont été balayées.

«Je rejette catégoriquement l'idée que les manifestants en Iran sont manipulés ou motivés par des pays étrangers», a déclaré le secrétaire britannique au Foreign office, David Miliband.

De même, à Washington, la démocrate Dianne Feinstein, qui dirige la commission du Renseignement au Sénat, a déclaré que les services de renseignement américains n'avaient que peu de prise sur ce qui se passe en Iran.

Au-delà des simples déclarations, les autorités iraniennes ont aussi décidé d'expulser le correspondant permanent de la BBC à Téhéran, Jon Leyne, sommé de quitter le pays sous 24 heures pour avoir «soutenu» les émeutiers, selon l'agence Fars, proche du gouvernement.

Le ministère iranien de la Culture a en outre menacé les médias britanniques de «mesures de rétorsion» s'ils continuaient «d'interférer dans les affaires intérieures de notre pays en diffusant des informations mensongères ou inexactes de l'Iran».

Selon l'organisation Reporters sans frontières, trois journalistes iraniens ont été arrêtés et incarcérés depuis samedi, portant à 33 le nombre de journalistes et cyberdissidents iraniens derrière les barreaux.

Un journaliste canadien qui travaille en Iran pour Newsweek, Maziar Bahari, a été arrêté par les autorités iraniennes, a annoncé pour sa part l'hebdomadaire américain.

La chaîne de télévision d'informations en continu à capitaux saoudiens, Al-Arabiya, a annoncé que la fermeture de son bureau de Téhéran, en vigueur depuis le 14 juin, avait été prolongée «jusqu'à nouvel ordre».

Et le gouvernement iranien a convoqué les ambassadeurs et représentants des 27 pays européens en poste à Téhéran, selon le ministre tchèque des Affaires étrangères, Jan Kohout, dont le pays assure la présidence de l'Union européenne.

Le président français Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel ont pris dimanche la tête des critiques contre les autorités iraniennes, le premier réclamant «que la lumière soit faite» sur l'élection présidentielle, la seconde appelant à «un nouveau décompte des voix».

Tous deux ont réclamé la fin de la répression et des violences contre les manifestants.