L'Afghanistan a adopté une loi «légalisant la discrimination» à l'encontre des femmes de la minorité chiite, stipulant notamment qu'elles peuvent être privées de nourriture si elles refusent les relations sexuelles, a affirmé vendredi Human Rights Watch (HRW).

Selon l'organisation de défense des droits de l'Homme, qui dénonce une manoeuvre électoraliste du président Hamid Karzaï, candidat à sa réélection le 20 août, la loi a été publiée au Journal officiel d'Afghanistan le 27 juillet. Aucune annonce officielle n'a été faite sur le sujet, et le gouvernement afghan n'était pas joignable pour confirmer cette information vendredi matin.

Cette loi est, selon HRW, une nouvelle version de celle qui avait été adoptée en mars par les parlementaires afghans et signée par le président Hamid Karzaï, mais n'était pas entrée en vigueur, après avoir soulevé un tollé en Occident, où l'on évoquait une légalisation du viol domestique.

HRW explique en avoir vu une copie finale, qui contient «de nombreux articles régressifs» pour les droits des femmes, même s'ils ne sont plus aussi restrictifs que dans le projet initial.

Le nouveau texte prévoit notamment qu'un mari a le droit de retirer tout soutien matériel à sa femme, y compris la nourriture, si celle-ci refuse de satisfaire ses demandes sexuelles. Il stipule également que les enfants sont toujours placés légalement sous la garde des pères et grands-pères.

Il ordonne aussi que les femmes doivent demander la permission à leur mari pour travailler, et permet à un violeur d'échapper à toutes poursuites s'il paie «l'argent du sang» à la femme violée, indique HRW.

En avril, le président Karzaï avait demandé au ministère de la Justice de revoir un projet de loi, qu'il avait signé en mars, après les protestations d'organisations afghanes et internationales l'accusant de légaliser une loi appliquant aux femmes chiites des restrictions dignes du régime des talibans.

Les protestations sont notamment venues de pays engagés militairement au sein des forces internationales qui soutiennent le gouvernement Karzaï, et qui figurent également parmi les principaux bailleurs de fonds du pays.

«Je pense que cette loi est détestable», avait notamment asséné le président américain Barack Obama lors d'un sommet de l'OTAN en avril. «Nous comptons sur le retrait de ce projet de loi», car il est «inacceptable», avait renchéri la chancelière allemande Angela Merkel.

M. Karzaï avait ensuite déclaré, en mai, que tout article violant les droits des femmes devait être banni.

Le ministère de la Justice n'a pas donné les résultats de cette révision.

«Les puissants soutiens internationaux de l'Afghanistan devraient insister pour que le président Hamid Karzaï modifie cette loi qui formalise la discrimination contre les femmes chiites», estime HRW dans un communiqué.

Fustigeant une «loi barbare», l'organisation accuse M. Karzaï d'avoir «vendu» les droits des femmes chiites à des leaders chiites «fondamentalistes» en échange de leur soutien à la présidentielle.

Les chiites représentent environ 15% de la population afghane.

Cette annonce intervient à quelques jours de l'élection présidentielle du 20 août, dont Hamid Karzaï est considéré comme le favori après avoir passé des accords avec les leaders des principales ethnies et religions du pays.