Les menaces des talibans auront découragé nombre d'Afghans, principalement dans le sud, de se rendre aux urnes jeudi, mais n'ont pas dans l'ensemble réussi à perturber le scrutin: cette journée électorale sous haute tension, où 15 millions d'Afghans étaient appelés à choisir leur président et les conseillers provinciaux, a cependant été marquée par la mort de 26 personnes.

Au terme de dix heures de vote -dont une prolongation d'une heure- les responsables électoraux s'attendaient à une participation entre 40 et 50%. Un chiffre bien inférieur aux 70% qui avaient marqué la première élection présidentielle au suffrage direct de l'histoire de l'Afghanistan, en 2004. Les longues opérations de dépouillement ont immédiatement débuté, mais on n'attendait pas les premiers résultats avant plusieurs jours.

La participation semblait plus forte dans le nord que dans le sud, un bon signe pour Abdullah Abdullah, ancien chef de la diplomatie et principal challenger du président sortant Hamid Karzaï, si l'on en croit les répartitions ethniques des votes afghans: Abdullah est moitié tajdik et donc susceptible de faire de bons scores dans les régions tadjikes du nord.

Karzaï est pachtoune, ethnie majoritaire du pays, surtout implantée dans le sud et dont les talibans sont la plupart du temps issus. La participation électorale en zone pachtoune est importante pour Karzaï, mais aussi pour la légitimité générale des résultats.

Les responsables internationaux ont prédit un scrutin imparfait, tout en exprimant l'espoir que les Afghans le reconnaissent comme légitime. Dans le même temps, les talibans menaçaient de punir toute personne se rendant aux urnes.

Kai Eide, représentant spécial du secrétaire général de l'ONU pour l'Afghanistan, a estimé que, malgré les violences sporadiques, l'élection «semblait bien fonctionner».

À Kandahar, berceau des talibans et principale ville du sud, la participation semblait inférieure de 40% à celle de 2004, selon un responsable électoral.

Selon les responsable de la sécurité, huit soldats afghans, neuf policiers et neuf civils ont été tués, dans diverses violences sporadiques dans tout le pays. Un Américain aussi a été tué.

Le président Karzaï a fait état de 73 attaques dans 15 provinces, une hausse de 50% par rapport au rythme de ces derniers jours, selon l'OTAN.

Dans la province de Baghlan (nord), 14 bureaux de vote ont fermé à cause d'attaques, et plusieurs policiers ont été tués. Dans celle de Helmand (sud), plus de 20 roquettes sont tombées sur Lashkar Gah, la capitale, dont une qui a tué un enfant.

On signalait au moins cinq attentats à la bombe à Kaboul, ainsi qu'une fusillade entre un groupe armé et les forces de l'ordre, au cours de laquelle deux kamikazes sont morts.

La capitale avait été placée sous haute sécurité et le dispositif a été allégé dès le fermeture des bureaux de vote, armée et police quittant les carrefours et postes de contrôle.

Dans la matinée, Hamid Karzaï, vêtu comme à son habitude de son traditionnel «chapan», ample cape rayée verte et violette devenue sa marque de fabrique, avait voté dans un lycée de Kaboul. Les caméras l'ont montré trempant son doigt dans l'encre indélébile, mesure de prévention de la fraude, et la présidence a diffusé une très rare photo de son épouse en train de remplir son devoir civique.

À l'issue du vote, il s'est réjoui: «Les Afghans ont bravé les roquettes, les bombes et les intimidations pour venir voter. Nous verrons quelle sera la participation, mais ils sont venus voter. C'est formidable», a-t-il lancé.

Karzaï, installé au pouvoir par la grâce de l'administration Bush et d'une «loya jirga», un grand conseil tribal, après l'invasion américaine et la chute du régime des talibans, est donné favori des 36 candidats officiels. Même si la percée d'Abdullah pourrait le mettre en ballotage et rendre un second tour nécessaire.

En 2004, l'heure était à l'optimisme et Karzaï avait remporté avec 55,4% la première présidentielle directe de l'histoire du pays. Mais aujourd'hui, huit ans après l'invasion qui suivit de peu les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, l'Afghanistan qu'aura à diriger le nouveau président est en proie à la violence, à la reprise de l'insurrection talibane, à la drogue, à la corruption et à la faiblesse du gouvernement central.