Le patron des forces alliées en Afghanistan, le général Stanley McChrystal et des enquêteurs de l'OTAN se sont rendus samedi dans la province de Kunduz (nord) pour déterminer les circonstances d'un bombardement de l'Alliance qui a fait plus de 70 morts la veille, dont de nombreux civils selon les autorités afghanes.

Le général McChrystal a déclaré à la presse vouloir savoir ce qui s'était passé, «afin que nous puissions d'abord prévenir toute répétition -ou réduire les risques que cela se reproduise- et ensuite corriger tout ce qui est en notre pouvoir de corriger, comme aider les blessés». «D'après ce que j'ai vu aujourd'hui, il me paraît clair que des civils ont été blessés», a-t-il dit, sans préciser si des civils figurent également parmi les victimes décédées.

Selon un conseiller du général, qui a requis l'anonymat, Stanley McChrystal a également rencontré des membres de l'état-major pour leur demander de «s'assurer de savoir sur qui on tire». Le bombardement de Kunduz semble contredire ses ordres demandant de restreindre le recours aux frappes aériennes si des civils risquent d'être touchés.

Selon le chef de la police locale, Gulam Mohyuddin, ce bombardement près de la frontière avec le Tadjikistan a visé deux camions-citernes livrant du carburant à la Force internationale d'assistance et de sécurité de l'OTAN (ISAF) à Kaboul. Les deux camions avaient été détournés par les talibans et s'étaient enlisés dans du sable en traversant un gué, d'après l'OTAN. Un F-15E américain appelé en renfort par les forces allemandes en charge du secteur a largué deux bombes de 225 kilos sur les citernes, déclenchant une terrible déflagration.

D'après le gouverneur de la province de Kunduz, Mohammad Omar, 72 personnes ont été tuées et 15 blessées. Un haut responsable de la police afghane ayant requis l'anonymat a de son côté affirmé qu'une quarantaine de civils venus siphonner le carburant figuraient parmi les victimes.

Les forces allemandes ont indiqué que le bombardement avait tué 57 insurgés, affirmant que des «personnes non impliquées n'avaient sans doute pas été blessées». Les camions-citernes, selon la Bundeswehr, étaient susceptibles d'être utilisés par les talibans pour perpétrer un attentat-suicide contre une base allemande située non loin. «Seul des terroristes talibans ont été tués» dans le bombardement, a assuré de son côté le ministre allemand de la Défense Franz Josef Jung, cité dans un entretien publié samedi par le journal «Bild am Sonntag».

À Bruxelles, le secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen a reconnu vendredi que des civils pourraient figurer parmi les victimes. «Un certain nombre de talibans ont été tués et il y a également une possibilité de victimes civiles», a-t-il déclaré. Une délégation de l'OTAN sous la direction du vice-amiral américain Gregory Smith, responsable de la communication de l'ISAF à Kaboul, s'est rendue samedi sur les lieux pour tenter d'en savoir plus.

«Les deux camions-citernes étaient enlisés dans le sable, il y a eu deux bombes larguées dans le secteur. Nous pensons qu'il y avait ici des insurgés, mais nous devons découvrir ce qui s'est réellement passé», notamment établir le bilan exact du bombardement, a-t-il expliqué. La délégation composée de dix personnes s'est rendue au chevet de deux blessés à l'hôpital de Kunduz.

«Mon père m'avait dit de ne pas y aller, mais j'y suis allé pour récupérer du carburant. Sur le chemin, j'ai entendu un gros bang et après, je ne sais pas ce qui est arrivé. Maintenant, je suis à l'hôpital», a raconté Mohammed Shafi, 10 ans, un enfant blessé lors du bombardement et transporté à Kaboul.

L'ONU a également réclamé une enquête approfondie. «Des mesures doivent être prises pour déterminer ce qui s'est passé et pourquoi un bombardement aérien a été effectué dans des circonstances dans lesquelles il était difficile de déterminer avec certitude que des civils n'étaient pas présents», a commenté Peter Galbraith, responsable de la mission des Nations unies en Afghanistan.

Ce bombardement est une «grosse erreur», a de son côté estimé samedi le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner, à Stockholm pour une réunion avec ses homologues de l'Union européenne.

Le chef de la diplomatie française n'a pas désigné de responsables mais souligné qu'une enquête était nécessaire pour déterminer les faits. La commissaire européenne aux Relations extérieures Benita Ferrero-Waldner a de son côté évoqué une «grande tragédie» et s'est également prononcée pour des investigations.