La mort ce week-end de huit soldats américains dans de violents combats avec les talibans dans l'est de l'Afghanistan a mis en lumière le dilemme que rencontre l'OTAN: déployer ses troupes dans les zones rurales, ou les affecter à la défense des villes contre les insurgés.

Huit soldats américains, deux soldats afghans et un policier ont été tués samedi quand des talibans les ont attaqués en plein jour dans la province du Nuristan, entraînant de violents combats jusqu'à tard dans la nuit. Le général Stanley McChrystal, commandant des forces américaines et internationales en Afghanistan, a demandé des renforts, jusqu'à 40000 hommes selon la presse américaine, et souhaite que la contre-insurrection se concentre sur les zones urbaines.

Mais les experts doutent de l'efficacité de cette stratégie, qui pourrait permettre aux talibans de renforcer leur présence dans le pays.

Haroun Mir, le directeur du Centre afghan de recherches et d'études politiques, parle même d'une «erreur», 80% des Afghans vivant en zone rurale.

«Ils se sentiront abandonnés si l'OTAN ne les protège pas. Et cette population rurale tombera sous la coupe des talibans. C'est déjà ce qui se passe», rappelle M. Mir.

Selon l'institut d'analyse politique ICOS (International Council on Security and Development), les talibans ont désormais «une présence permanente» dans 80% du pays. Si l'OTAN délaisse les zones rurales, le pays pourrait être «balkanisé», comme le Pakistan voisin dont la plus grande partie est sous contrôle des tribus, affirme Norine MacDonald, la présidente de l'ICOS.

«Le meilleur scénario serait de s'occuper des deux», des campagnes et des villes, juge Mme MacDonald.

«De facto, il y a eu un retrait (de l'OTAN, ndlr) des zones rurales sur les trois dernières années. (...) La capacité des talibans à pouvoir se déplacer librement dans les zones rurales est d'ailleurs un des secrets de leur remarquable succès», souligne-t-elle.

Le prédécesseur du général McChrystal, le général David McKiernan, avait privilégié l'offensive dans les campagnes, mais avec le regain d'attaques dans les centres urbains, l'actuel commandant est en train de changer de stratégie.

D'après Norine MacDonald, une présence très visible des forces de sécurité dans les villes est psychologiquement essentielle.

«Il ne s'agit pas de dire que les zones rurales ne sont pas importantes», mais de «définir les risques de sécurité les plus immédiats», explique une porte-parole de l'Isaf.

Pour M. Mir, l'attaque de samedi montre les problèmes auxquels sont confrontées l'OTAN et les forces afghanes sur la stratégique frontière avec le Pakistan, où les insurgés (talibans et Al-Qaeda) ont installé leurs bases arrières d'où ils lancent leurs attaques.

Les rebelles profitent du manque d'effectifs des forces internationales et afghanes dans cette région montagneuse, explique-t-il.

Des attaques pourraient survenir dans d'autres zones frontalières, prédit-il, ajoutant qu'il s'agit d'une nouvelle stratégie des insurgés, déjà testée par les moudjahidines pendant leur résistance à l'occupation soviétique dans les années 1980.

Pour l'Isaf, le redéploiement de ses forces dans l'est n'est pas un «retrait», mais «un repositionnement calculé (...) dans cette partie du pays pour s'assurer que la concentration des efforts corresponde à la concentration des forces», explique la porte-parole.

«Il y a toujours une importante présence de troupes dans l'est, mais il est difficile d'avoir une approche uniforme, d'avoir un pied dans chaque petite vallée», explique-t-elle.