Un territoire d'un kilomètre carré où s'entassent 20 000 personnes. De l'eau courante saumâtre qui cause des problèmes de peau. Des rues parfois si étroites qu'on doit se mettre les épaules parallèles aux murs pour passer... Les réfugiés palestiniens du camp de Bourj el-Barajneh, au Liban, vivent dans des conditions inhumaines depuis plus de 60 ans.

C'est là que vivra aussi, pour deux ans, Roxane Caron. La travailleuse sociale de 35 ans, qui est partie pour le Liban la semaine dernière, y fera le «terrain» de sa thèse de doctorat sur les femmes palestiniennes.

 

Ce n'est pas la première fois qu'elle y séjourne. En 2006, juste avant la guerre du Liban, elle avait habité six mois à Bourj el-Barajneh, qui est situé près de l'aéroport de Beyrouth.

«Pour ma maîtrise, en 2006, j'avais étudié les stratégies de résistance des femmes du camp», explique la travailleuse sociale, rencontrée avant son départ dans un café voisin de l'Université de Montréal.

«Cette fois, je vais me pencher sur l'exil. En 2006, les femmes que je connaissais me montraient souvent la clé de leur maison ancestrale, en Israël, et se demandaient si un jour elles allaient y retourner. Je veux comprendre quel est l'impact sur l'identité personnelle de 60 ans d'exil.»

Des réfugiés plus égaux que d'autres

Au passage, Mme Caron a constaté que la vie des réfugiés varie énormément d'un pays à l'autre. «Je suis allée dans un camp en Syrie et c'était le jour et la nuit. C'était presque comme une ville normale, on pouvait circuler dans les rues en voiture. À Bourj el-Barajneh, ce n'est pas possible. Parfois, il faut emprunter des ruelles si étroites qu'on y passe que de côté. La nuit, il n'y a pas d'éclairage, on ne voit rien.»

De plus, les réfugiés palestiniens au Liban vivent dans un «ghetto». «Il y a certains emplois, comme médecin ou ingénieur, qui leur sont interdits, dit Mme Caron. Ils ne peuvent pas être propriétaires de leur maison. S'ils arrivent à amasser assez d'argent pour voyager à l'extérieur du pays, pour visiter des parents qui vivent ailleurs, il n'est pas certain qu'ils puissent revenir au Liban. Les femmes que j'ai côtoyées se demandent sans cesse quelle vie attend leurs enfants dans ces conditions.»

Les femmes et la politique

Quelle place a la politique dans la vie quotidienne des femmes? Le Hezbollah a-t-il une présence sociale importante?

«La plupart disent: «Moi, je ne m'en mêle pas .» Je n'ai jamais entendu parler qu'elles se rendaient dans des cliniques médicales ou des centres de distribution du Hezbollah. Elles survivent grâce à l'entraide et plusieurs font aussi appel aux services des ONG internationales, à l'agence de l'ONU qui s'occupe des réfugiés palestiniens, au Croissant-Rouge palestinien.»

Qu'est-ce qui l'a incitée à consacrer autant de temps et d'énergie aux femmes palestiniennes?

«J'ai toujours été intéressée par les gens qui ne sont pas entendus, qui n'ont pas de voix publique. J'ai travaillé six ans à Québec en toxicomanie et en psychiatrie, d'autres milieux sans voix. Mais l'appel de l'international était trop fort. Plus jeune, je rêvais d'être médecin pour Médecins sans frontières. En 2002, j'ai passé un an au Kazakhstan avec une ONG britannique. J'ai eu la piqûre.»