En déclarant Hamid Karzaï vainqueur de l'élection présidentielle afghane, hier matin, la Commission électorale indépendante du pays a fait une croix sur le deuxième tour de scrutin qui devait avoir lieu vendredi et mis un terme à une saga électorale de 72 jours. Est-ce pour autant la fin des maux de tête politiques de l'Afghanistan? Survol des principaux enjeux.

Q Pourquoi Hamid Karzaï a-t-il remporté les élections?

R La Commission électorale indépendante (IEC) de l'Afghanistan a nommé Hamid Karzaï vainqueur moins de 24 heures après qu'Abdullah Abdullah, le candidat qui devait faire face au président sortant le 7 novembre, se soit retiré de la course. Le président de l'IEC, Azizullah Lodin a expliqué que l'annulation du deuxième tour s'imposait puisqu'un seul candidat était en lice. Par ailleurs, il a affirmé que le coût d'un deuxième tour et les inquiétudes liées à la sécurité avaient pesé dans la balance. Les talibans promettant des attentats à l'approche du vote.

 

Q Pourquoi Abdullah Abdullah a-t-il lancé l'éponge?

R Lorsque la tenue d'un deuxième tour a été annoncé, l'ancien ministre des Affaires étrangères, qui a récolté 30% des voix lors du premier tour du 20 août, a affirmé qu'il participerait si Hamid Karzaï répondait favorablement à plusieurs demandes, dont celle de mettre à pied le président de l'IEC et trois ministres. Abdullah Abdullah estime que ces hommes ont été complices des fraudes électorales qui ont mené à l'annulation de plus d'un million de bulletins de vote. Hamid Karzaï a rejeté d'un revers de main l'ultimatum. Estimant que le second tour ne serait pas plus propre que le premier, Abdullah Abdullah a tiré sa révérence dimanche.

Q Abdullah Abdullah a-t-il reçu quelque chose en échange de son désistement?

R On l'ignore. On sait cependant que des pourparlers ont eu lieu entre les deux camps. Lisant entre les lignes, plusieurs experts notent que le fait qu'Abdullah n'ait pas demandé à ses supporters de manifester ou de boycotter le deuxième tour pourrait indiquer que les deux politiciens ont conclu un accord derrière des portes closes.

Q Comment la communauté internationale réagit-elle à la réélection d'Hamid Karzai?

R La réaction du président des États-Unis en dit long. Hier, Barack Obama a appelé Hamid Karzaï pour le féliciter, mais lui a envoyé le pot en même temps que les fleurs. Il l'a enjoint de faire le ménage dans son administration. «La preuve ne sera pas dans les mots, mais dans les actions», a martelé Obama. Le Canada a emprunté la même voie, enjoignant Karzaï à la «bonne gouvernance».

Q Quel rôle la communauté internationale a-t-elle joué dans l'annulation du second tour?

R Contradictoire. Les diplomates des États-Unis et de l'Europe n'ont pas hésité à tordre le bras d'Hamid Karzaï pour qu'il accepte de participer au deuxième tour, espérant rétablir la légitimité du processus électoral. Cependant, les mêmes diplomates ont travaillé très fort pour qu'il y ait un accord entre les deux rivaux, de manière à annuler ce deuxième tour. Plusieurs gouvernements craignaient de mettre la vie de leurs militaires déployés en Afghanistan en danger pour un vote dont l'issue ne faisait pas de doute. La victoire de Karzai semblait inévitable.

Q Quelle est la prochaine étape pour Hamid Karzaï?

R Ce dernier doit maintenant former un nouveau gouvernement. On verra alors si le président afghan a décidé de faire une place à Abdullah Abdullah dans un gouvernement d'unité.

Q Que signifie l'issue de cette élection pour la mission de l'OTAN en Afghanistan?

R La saga électorale de 72 derniers jours a paralysé l'OTAN et les gouvernements étrangers qui veulent revoir leur stratégie en Afghanistan, où les talibans leur donnent de plus en plus de fil à retordre. On s'attend notamment à ce que le président Obama annonce, au cours des trois prochaines semaines, s'il compte y envoyer 44 000 troupes de plus comme le lui suggère le général Stanley McChrystal.

Avec l'AFP, AP, la BBC, le NYT