Un père et son fils sont assis ensemble, sur le flanc d'une montagne. Le père confie son projet le plus cher: raser le pays de ses ennemis. Le fils est abasourdi.

«Je suis resté silencieux, ne ressentant pas une once de passion pour la vie de mon père», raconte-t-il aujourd'hui. «Je voulais seulement qu'il soit comme les autres pères, préoccupé par son travail et sa famille.»

Mais voilà, Oussama ben Laden n'était pas un père ordinaire, raconte son fils Omar, dans un livre qui vient de paraître. Growing up bin Laden (Grandir comme un ben Laden), aux éditions St. Martin's Press, est le récit de l'Oussama ben Laden, d'avant le 11 septembre, raconté par sa première femme, Najwa ben Laden, et son quatrième fils, Omar.

La mère et le fils n'ont pas reparlé à ben Laden depuis les attentats de septembre 2001 - ils avaient déjà rompu leurs liens avec lui au moment des attaques. Rompu aussi avec des années d'une vie spartiate et intégriste que ben Laden avait imposée à toute sa famille.

Pas question, par exemple, d'utiliser le climatiseur installé dans leur immeuble à logements. Ni d'ailleurs le réfrigérateur, des jouets ou des médicaments. Najwa ben Laden vivait la plupart du temps recluse à la maison à materner ses 11 enfants - son mari, qui a aussi eu d'autres enfants avec d'autres épouses, souhaitait une famille nombreuse pour former ses enfants au jihad.

Najwa ben Laden raconte comment, après une enfance heureuse en Syrie, elle a souhaité épouser son cousin saoudien Oussama à l'âge de 15 ans, malgré la désapprobation de ses parents. Lui en avait 17. «Il était fier, mais pas arrogant. Il était délicat, mais pas faible. Il était sérieux, mais pas sévère. Il était certainement différent de mes frères turbulents qui ne cessaient de m'embêter pour rien. Je n'avais jamais côtoyé un garçon aussi sérieux et réservé», écrit-t-elle.

Enfance austère

Omar ben Laden raconte une enfance austère où ses frères et lui étaient punis lorsqu'ils riaient ou souriaient trop et où leur père les envoyait en randonnée dans le désert, sans eau. Ils considéraient néanmoins qu'ils avaient l'honneur d'être les fils d'un héros du monde musulman, qui avait contribué à bouter les Soviétiques hors d'Afghanistan.

Mais les choses se détériorent à la première guerre du Golfe: les ben Laden sont bannis du royaume d'Arabie Saoudite lorsque le père s'oppose à la décision du roi d'autoriser l'armée américaine à s'y installer pour repousser Saddam Hussein. La famille déménage à Khartoum, au Soudan.

Quelques années plus tard, installés dans les montagnes de Tora Bora, en Afghanistan, Omar ben Laden et ses frères fréquentent des camps d'entraînement d'Al-Qaeda et combattent dans la guerre civile. De plus en plus en désaccord avec les idées de son père, Omar ben Laden dit avoir définitivement rompu ses liens avec lui lorsqu'il lui a demandé de participer à des missions suicide.

«Tu n'as pas davantage de place dans mon coeur que n'importe quel autre homme ou garçon dans tout le pays», lui a lancé son père.

«J'ai finalement compris exactement quelle était ma place, écrit Omar. Mon père haïssait plus ses ennemis qu'il n'aimait ses fils.»