Le président palestinien Mahmoud Abbas est dans une impasse. Et avec lui, tout le processus de paix au Proche-Orient.

Quand Mahmoud Abbas a fait savoir qu'il ne se représenterait pas aux élections palestiniennes de janvier prochain, plusieurs ont compris qu'il avait l'intention de quitter la vie politique.

Mais une semaine plus tard, la commission électorale palestinienne a jugé que les conditions nécessaires pour la tenue d'un scrutin n'étaient pas réunies. Et elle a annulé ces élections.

 

Mahmoud Abbas a donc retiré sa candidature d'un scrutin qui n'aura pas lieu. Concrètement, cela signifie qu'il pourra prolonger son séjour à la tête de l'Autorité palestinienne. À moins qu'il ne choisisse de démissionner.

Quelles sont ses véritables intentions? Les analystes divergent d'opinion. «En disant qu'il ne se représenterait pas à la présidence, Mahmoud Abbas a voulu dramatiser la situation, dans l'espoir d'obtenir des gains politiques», dit le commentateur Mohamed Yaghi.

Mais d'autres croient que l'annonce de Mahmoud Abbas était plus qu'une ruse. «Elle exprime sa frustration profonde devant l'impossibilité de créer ne serait-ce qu'un contexte favorable à une reprise des négociations», dit Jeffrey Aronson, de la Fondation pour la paix au Proche-Orient.

Un point fait consensus: les événements des deux dernières semaines sont le signe d'un constat d'échec et d'une grande désillusion.

Virage dangereux

Cette désillusion est d'autant plus douloureuse que les Palestiniens tombent de haut, souligne Henry Siegman, expert américain du Proche-Orient.

Le président Barack Obama s'était en effet engagé à exiger qu'Israël cesse la colonisation de la Cisjordanie.

Le mois dernier, changement de cap: l'administration Obama a accepté que le gouvernement israélien comble les besoins de «croissance naturelle» des implantations juives. Ce qui signifie la poursuite des projets de construction en Cisjordanie.

Plus tôt, Mahmoud Abbas a dû accepter, sous la pression américaine, de reporter l'étude du rapport Goldstone sur la guerre de Gaza, lorsque celui-ci avait été soumis au Conseil des droits de l'homme de l'ONU.

Ce compromis a «détruit politiquement Mahmoud Abbas et l'a offert en pâture à ses opposants», juge Henry Siegman.

Ce dernier connaît bien le président palestinien. La dernière fois qu'il l'a rencontré, c'était il y un an, quand le président palestinien est venu rendre sa dernière visite à George W. Bush.

Après cette visite, Henry Siegman s'était longuement entretenu avec Mahmoud Abbas. «Il m'a dit à quel point il lui était difficile de poursuivre les négociations avec Israël, alors que ce pays continuait à coloniser la Cisjordanie», se souvient-il.

C'est encore plus difficile alors qu'Abbas fait face à un gouvernement israélien de droite qui n'a jamais vraiment accepté l'idée de créer un État palestinien. Dans ce contexte, Abbas a deux options, croit Henry Siegman. Il pourrait décréter unilatéralement la création d'un État palestinien - ce qui ne permettrait pas vraiment l'avènement de cet État, mais embêterait sérieusement Israël.

Ou alors, il pourrait démanteler l'Autorité palestinienne, créée à la faveur d'un processus de paix qui paraît de plus en plus mort et enterré. Et replacer ainsi Israël dans son rôle d'occupant - ce dont l'État hébreu ne veut absolument pas.

Il reste une troisième option: démissionner. Et transmettre cette situation sans issue à un éventuel successeur.

 

«Un homme décent»

«Mahmoud Abbas n'a pas le talent pour être un bon politicien, mais ce talent tient souvent à des traits de personnalité peu reluisants», dit l'expert américain Henry Siegman. Ce dernier connaît le président palestinien depuis 20 ans. Et ce qu'il en retient surtout, c'est qu'il s'agit d'«un homme décent», qui a véritablement cru au processus de paix, et qui est aujourd'hui accablé par une immense frustration.

Âgé de 74 ans, Mahmoud Abbas a été un proche compagnon de Yasser Arafat. Il a été au coeur des négociations qui ont conduit aux accords d'Oslo, en 1993. En 2003, comme premier ministre en pleine Intifada, il a contribué à mettre en place «la feuille de route pour la paix.» Il a aussi tenté de réprimer la résistance armée et s'en est pris au Djihad islamique et au Hamas.

Il a accédé à la tête de l'Autorité palestinienne à l'issue des élections de janvier 2006, tenues après la mort de Yasser Arafat. Son règne est marqué par une confrontation entre son parti, le Fatah, et le Hamas - un conflit qui entraîne une quasi-guerre civile.

Aujourd'hui, Abbas a épuisé son capital de sympathie chez les Palestiniens, qui ne voient pas les résultats de sa politique de compromis. «S'il démissionne, les Israéliens ne verront aucun autre leader palestinien aussi opposé à la violence que lui», tranche Henry Siegman.