S'il fallait faire la liste des entreprises symbolisant le moins le vent de changement promis par Barack Obama, Blackwater arriverait en tête.

La société de mercenaires embauchée par Washington est accusée d'avoir tué, menti, détruit des preuves. Le patron de Blackwater, Erik Prince, un proche de l'administration Bush, est poursuivi devant les tribunaux américains par des dizaines d'Irakiens, dont certains accusent ses employés de crimes de guerre.

 

En campagne électorale en 2007, Barack Obama avait critiqué Blackwater, dont les employés «manquent cruellement de respect pour la vie des Irakiens», et «agissent comme si la loi ne s'appliquait pas à eux».

Pourtant, un an après l'élection historique d'Obama, Blackwater occupe toujours un rôle de premier plan dans la stratégie américaine en Irak et en Afghanistan.

Les frappes de missiles lancés à partir d'avions téléguidés (drones) contre les talibans et autres - en hausse depuis l'arrivée au pouvoir d'Obama - sont organisées par Blackwater. Et la société controversée touche toujours des millions de dollars en contrats pour des missions de sécurité en Irak.

«Qui protège Hillary Clinton quand elle voyage en Afghanistan? Blackwater. Qui protège les membres du Congrès? Blackwater. Ils ont un demi-milliard de dollars en contrats en Afghanistan au moment où on se parle», a récemment noté Jeremy Scahill, journaliste au magazine The Nation et auteur d'un livre sur les agissements de l'entreprise.

Versements secrets

Actuellement, 64 Irakiens poursuivent Blackwater devant la justice américaine, principalement pour des attaques non provoquées et des meurtres, mais aussi pour des affaires de prostitution forcée de mineures et de corruption.

Les liens entre Blackwater et le pouvoir à Washington et à Bagdad commencent à peine à faire surface. L'été dernier, on a appris que des employés de Blackwater faisaient partie d'une cellule d'assassinat des membres d'Al-Qaeda montée par la CIA et approuvée par l'administration Bush, à l'insu du directeur de la CIA, Leon Panetta. Ce dernier y a mis fin depuis.

Et, cette semaine, le New York Times a révélé que Blackwater aurait autorisé le versement secret de 1 million de dollars en pots-de-vin aux officiels irakiens au lendemain de la tuerie de Nissour Square, en 2007.

Dans ce carnage, des employés de Blackwater avaient tué 17 civils irakiens non armés. Cinq mercenaires impliqués sont accusés de meurtre et doivent subir leur procès à Washington en février prochain. Un sixième a plaidé coupable.

Durant son enquête, le Times a parlé à quatre ex-dirigeants de Blackwater et a retracé l'argent, qui a été remis à l'homme fort de la société à Bagdad.

Blackwater, qui a changé son nom pour Xe après le scandale, soutient que l'argent n'a jamais été remis aux politiciens irakiens. Payés ou pas, ceux-ci ont changé de ton à l'égard de l'entreprise, dont la licence avait été révoquée au lendemain du massacre. La société est aujourd'hui toujours présente et active en sol irakien.

Les scandales impliquant Blackwater font périodiquement surface dans l'actualité. Jusqu'ici, les agissements de l'entreprise n'ont pas provoqué de débat public sur l'utilisation des mercenaires par le gouvernement américain, déplore Simon Chesterman, directeur à l'École de droit de l'Université de New York.

«Même les programmes d'assassinats ciblés menés par la CIA n'ont pas provoqué de débat de fond», écrit-il. Selon lui, c'est le gouvernement qui devrait être attaqué en cour, «de manière à ce que certaines fonctions menées par l'État ne soient plus confiées à des sous-traitants».