Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad ne fait jamais dans la dentelle. Alors qu'il a réagi pour la première fois aux importantes manifestations de dimanche, il a multiplié hier les déclarations incendiaires, fidèle à son habitude.

«Un spectacle qui fait vomir», a-t-il déclaré dans un communiqué. Avant d'ajouter qu'il s'agissait, selon lui, d'un «scénario commandé par les sionistes et les Américains (...) dont ils sont les seuls spectateurs».

Les réactions du président iranien et celles de bon nombre d'autres dirigeants du pays indiquent que la détermination des opposants iraniens sera plus que jamais mise à rude épreuve.

Hier, le pouvoir iranien a continué d'arrêter des chefs de file de l'opposition. Il a aussi appelé ses partisans à se rassembler en grand nombre aujourd'hui dans les rues d'un bout à l'autre du pays.

Le but est de donner une leçon à la Maison-Blanche et au gouvernement britannique, a soutenu Mahmoud Ahmadinejad. «Nous leur avons donné des conseils à de nombreuses reprises, mais apparemment ils insistent pour expérimenter l'humiliation», a-t-il indiqué.

«Ils vont voir que le peuple iranien, en se mobilisant sur le terrain, va les déshonorer une nouvelle fois», a ajouté le président, dont la réélection controversée en juin est à la source des bouleversements actuels. Déjà, hier, des partisans du pouvoir ont commencé à manifester dans les rues de certaines villes d'Iran.

Des «ennemis» qui doivent mourir

La radicalisation du discours du pouvoir iranien ne s'est pas limitée au président. Hier, un influent ayatollah est allé encore plus loin. Il a soutenu que les dirigeants de l'opposition méritent la mort.

C'est carrément ce qu'a affirmé Abbas Vaez Tabasi, qui représente le guide suprême du pays - l'ayatollah Ali Khamenei - dans la province de Khorosan (située dans le Nord-Est). Il a du même souffle qualifié les opposants d'»ennemis de Dieu».

«De faire dire, par un porte-parole, que les opposants sont des apostats et qu'ils méritent la mort, ça annonce certainement que le pouvoir a opté pour la méthode dure. De plus en plus, Khamenei et Ahmadinejad sont d'humeur à casser les reins de l'opposition», affirme le politologue de l'Université de Sherbrooke Sami Aoun.

Ce durcissement traduit en fait de profondes inquiétudes, estime-t-il. «Le fait qu'Ahmadinejad commence à parler d'un complot sioniste et américain veut dire qu'il est dans une position de faiblesse. C'est un raccourci qui révèle un embarras profond.»

Nouvelles arrestations

L'intimidation du régime iranien s'est aussi traduite hier par plusieurs autres arrestations. Au nombre des opposants interpellés, notons la soeur du Prix Nobel de la paix Shirin Ebadi.

«Ma soeur n'avait aucune activité politique (...) et son arrestation est une tentative de pression pour que j'arrête mes activités pour la défense des droits de la personne», a-t-elle dit.

C'est loin d'être la première fois que le régime s'en prend à cette Iranienne de renom. À la fin du mois de novembre, on avait même confisqué son prix Nobel.

Selon un décompte de l'opposition, sept journalistes, y compris deux dirigeants de l'Association des journalistes iraniens, ont aussi été mis sous les verrous.

Tout comme la militante des droits des femmes Mansoureh Shojaie.

Chapour Kazemi, beau-frère de l'opposant Mir Hossein Moussavi, a également été arrêté. Ce dernier est tout particulièrement persécuté par le pouvoir. Rappelons que son neveu a été abattu lundi.

L'opposition a qualifié ce meurtre de geste délibéré de la part du régime iranien. Or, hier, la police iranienne a rejeté ces accusations. Selon elle, le neveu de l'ancien rival de Mahmoud Ahmadinejad aurait plutôt été tué par des «terroristes».

Le cinéaste Mohsen Makhmalbaf, dissident iranien qui se trouve à Paris, n'en croit pas un mot. Il a révélé hier que le neveu de M. Moussavi avait reçu des menaces de mort de la part de la police secrète iranienne avant d'être abattu.

Pas de drapeau blanc

Un autre leader de l'opposition sur le terrain en Iran, Mehdi Karoubi, ancien président du Parlement du pays, est aussi une des cibles principales des autorités. Il a été attaqué par des inconnus lundi soir. Ceux-ci ont brisé les vitres de sa voiture, visiblement en guise d'avertissement.

L'étau continue donc de se resserrer autour des manifestants qui s'opposent au régime en place. Mais ils ne sont pourtant pas prêts à agiter le drapeau blanc, affirme le politologue Sami Aoun. «Je crois que ça va continuer. Si jamais l'opposition devait s'arrêter, ce serait après un flot de sang. Il faudrait vraiment qu'elle se fasse écraser, au sens littéral du terme.»

- Avec l'AFP et la BBC