Des organisations de colons israéliens livrent bataille à Jérusalem-Est pour acquérir des maisons palestiniennes afin de renforcer le «caractère juif» de la Ville sainte, malgré les protestations palestiniennes et internationales.

Les Etats-Unis et l'Union européenne ont exprimé lundi leur réprobation après un appel d'offre israélien pour près de 700 logements dans la partie orientale de Jérusalem, à majorité arabe et annexée par Israël en 1967.

«Ici, c'est notre patrie. Personne d'autre n'y a de droit», assure Daniel Luria, directeur de l'association Ateret Cohanim («La Couronne des prêtres»), qui depuis plus de 30 ans se consacre «au renouveau de la vie juive à Jérusalem».

«Une présence juive a été rétablie dans le quartier», se réjouit-il, en montrant une maison acquise auprès de Palestiniens dans le secteur musulman de la Vieille ville.

Située à quelques pas de l'Esplanade des Mosquées, révérée par les musulmans, la maison offre une vue imprenable sur ce lieu emblématique des tensions entre Israéliens et Palestiniens.

Les juifs l'appellent le Mont du Temple, en référence au second Temple détruit par les Romains en l'an 70 de l'ère chrétienne, dont le principal vestige est le Mur des Lamentations, l'endroit le plus sacré du judaïsme.

Ateret Cohanim a permis à 900 Israéliens de s'installer dans la Vieille ville, en sus des 3 100 déjà installés dans le quartier juif. Au total, 270 000 Palestiniens et 200 000 Israéliens habitent Jérusalem-Est.

Israël considère Jérusalem, y compris le secteur oriental dont l'annexion n'est pas reconnue par la communauté internationale, comme sa capitale «éternelle et indivisible».

Les Palestiniens, eux, veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de leur futur Etat.

«Nous menons un combat pour Jérusalem. Si nous ne la protégeons pas, le peuple juif sera menacé. C'est pourquoi nous achetons de plus en plus de terres à Jérusalem-Est», reconnaît Arieh King, responsable du Israel Land Fund, un fonds d'investissement foncier. D'autres organisations sionistes, comme Ataret Cohanim, Nahalat Shimon et Elad, poursuivent le même but.

M. King précise avoir acquis 21 propriétés et logé 11 familles côté est.

«Leur objectif est de judaïser Jérusalem-Est afin que toute division en deux capitales pour deux Etats (palestinien et israélien) soit de facto impossible», explique Orly Noy, de l'ONG israélienne anticolonisation Ir Amim («Ville des peuples»). Selon elle, il s'agit d'«évincer les Palestiniens de Jérusalem-Est et faire pencher l'équilibre démographique en faveur des Juifs».

Arieh King, qui se présente comme un «courtier sioniste», achète des propriétés à des Palestiniens ou via des intermédiaires, parfois indispensables car la vente à des Israéliens est vue comme une «trahison» par les Palestiniens. Ses fonds viennent des Etats-Unis, d'Australie ou d'Europe.

Il lui arrive aussi d'aider les Palestiniens désireux d'émigrer à obtenir des papiers et un emploi à l'étranger en échange de la vente de leurs biens.

Israel Land Fund s'attache enfin à récupérer des biens ayant appartenu à des juifs avant la création de l'Etat d'Israël en 1948, souvent au terme de procédures judiciaires qui aboutissent à l'éviction de familles palestiniennes.

«Beaucoup de propriétés appartenant à des juifs ont été abandonnées et squattées par des Arabes (entre 1948 et 1967) et nous essayons de faire partir les envahisseurs», souligne M. King.

«Ils veulent expulser les Palestiniens de Jérusalem», rétorque Nabil Al-Kurd, 65 ans, dépossédé d'une partie de son domicile à la suite d'une procédure judiciaire. Réfugiée de la Guerre de 1948, sa famille y habite depuis 1956.