Six mois après la réélection controversée du président Mahmoud Ahmadinejad en Iran, tant l'opposition que le pouvoir refusent de plier. Notre collaborateur a joint hier un étudiant dissident qu'il avait rencontré en Iran peu après l'élection de juin dernier. Le jeune homme témoigne de l'escalade de la violence, de ses craintes, mais aussi de son refus de baisser les bras.

Mehran, 24 ans, n'a plus beaucoup d'espoir. Mais il ne peut se résigner à abandonner la lutte. «Chaque jour, quand je me réveille pour aller à une manifestation, je pense que je ne reviendrai plus. Je pense que je mourrai, mais j'y vais encore et tous les autres aussi. Pour la vérité», raconte l'étudiant, dans un échange électronique.

 

Mehran est craintif. Même s'il n'est qu'un manifestant parmi tant d'autres, il est persuadé que son téléphone est sous écoute et que ses courriels sont lus. Au cours des derniers mois, plusieurs de ses amis ont été renvoyés de l'université. D'autres ont même été exilés vers des villes de province, raconte-t-il.

Lors de notre première rencontre, quelques jours après l'élection présidentielle de juin, Mehran était plus confiant. Il savait que la partie ne serait pas facile, mais il croyait assister au début de la fin de la République islamique.

Six mois plus tard, il est sur le qui-vive plus que jamais. «Même dans les jours qui ont suivi l'élection, ce n'était pas aussi répressif qu'aujourd'hui.»

L'étau se resserre et Mehran sent que les appuis à l'opposition s'effritent à l'intérieur du régime. «Même les ayatollahs modérés se sont retournés contre nous. Je crois que c'est parce qu'ils craignent pour leur poste.» La mort de l'ayatollah dissident Ali Montazeri le 19 décembre, à 87 ans, a aussi enlevé à l'opposition l'une de ses principales cautions morales.

Le peuple manipulé

Mais pour Mehran, ce qui fait le plus mal, c'est de voir une partie du peuple rentrer dans les rangs, hypnotisée selon lui par la propagande gouvernementale. «Le pouvoir utilise la religion pour déclencher une guerre dans le peuple. À la télévision, ils ont montré des opposants qui sifflaient après une bataille gagnée (contre les forces de l'ordre) dans la rue. (La narration) disait qu'ils dansaient et sifflaient durant une journée de deuil», s'indigne Mehran.

«La plus grande arme du pouvoir après les bassidjis (milice islamique), c'est la télé. Ce qu'ils montrent à notre sujet, ce sont des scénarios dignes d'Hollywood. Si je dis qu'il n'y a pas beaucoup d'espoir, c'est parce que la majorité du peuple regarde la télé et avale tout, se désole Mehran. Le peuple ne comprend rien.»

Malgré tout, Mehran sent qu'il ne peut pas abandonner. «Quand le sang d'un camarade, d'un ami, d'un citoyen est versé, nous avons une obligation envers lui. Comme envers nos soeurs qui sont violées dans les prisons. Lorsqu'on va aux manifestations et qu'on voit des vieillards et des gamins se faire battre, on se sent responsable, poursuit Mehran. Alors, je dois y aller, pour moi-même. Pour pouvoir me regarder dans le miroir dans 10 ans.»