C'est une histoire digne des meilleurs livres d'espionnage de John le Carré. Hier, des médias américains ont révélé que le kamikaze qui a récemment perpétré en Afghanistan l'attentat le plus meurtrier qu'a subi la CIA en près de 30 ans était un agent... triple.

Selon des sources gouvernementales américaines, citées par NBC, Humam Khalil Abou-Mulal Al-Balaoui travaillait à la fois pour la CIA, les services secrets jordaniens et Al-Qaeda quand il a fait exploser le 30 décembre la ceinture d'explosifs qu'il portait. Il se trouvait au camp Chapman de la CIA dans la province de Khost en Afghanistan.

 

Sept agents de la CIA, dont la responsable des opérations à la frontière afghano-pakistanaise, ainsi qu'un agent du Directorat de renseignement général jordanien ont péri lors de l'explosion.

Tous s'étaient rendus à la réunion qui avait lieu dans le gymnase de la base en toute confiance: pendant un an, Al-Balaoui, un médecin jordanien de 36 ans, avait collaboré avec les services secrets de son pays.

Le jour de l'attentat, l'informateur promettait de révéler des informations cruciales sur le No 2 d'Al-Qaeda, le médecin égyptien Ayman Al-Zawahiri, qu'il traquait depuis des mois. Des agents de la CIA des quatre coins de l'Afghanistan avaient fait le voyage pour l'occasion.

Durs lendemains

Aujourd'hui, autant la CIA que les services secrets jordaniens sont plongés dans l'embarras. Non seulement l'attentat a décimé leurs rangs, mais il a aussi révélé leurs liens étroits. Déjà, des sources de la CIA estiment que les circonstances qui ont mené à l'attentat, notamment le fait qu'Al-Balaoui n'a pas été fouillé à son arrivée sur la base, seront passées au peigne fin.

Selon plusieurs rapports, la collaboration d'Al-Balaoui avec les services secrets a commencé lors d'une arrestation au début de l'année dernière.

Selon NBC, le médecin aurait été arrêté parce qu'il tenait des propos extrémistes dans l'internet. Connu sous le nom d'Abou Dujana al-Khorasani, il était, selon des experts, une des voix djihadistes les plus importantes du web. À maintes reprises, il a fait l'éloge des attentat-suicide.

Des proches du kamikaze, interrogés par la BBC et NBC, ont une autre version des faits. Ils disent que le médecin originaire de Barka a été arrêté par les autorités jordaniennes alors qu'il tentait de se rendre dans la bande de Gaza pour porter secours aux Palestiniens blessés lors de l'opération militaire israélienne de janvier 2009.

Trois jours de prison

Hormis les versions divergentes sur les raisons de l'arrestation, selon NBC, trois jours de prison auraient suffi pour que les agents jordaniens convainquent Al-Balaoui de devenir un espion. Ce dernier aurait alors été envoyé en Afghanistan où il devait infiltrer les hautes sphères d'Al-Qaeda.

Selon les rapports médiatiques, l'infiltrateur travaillait sous la supervision de l'agent jordanien Sharif Ali Ben Zeid, un cousin du roi Abdallah. Ce dernier est mort lors de l'attentat, selon des sources gouvernementales américaines.

Critiquée par les autres pays arabes pour sa collaboration avec les États-Unis, la Jordanie garde ses distances face à toute l'affaire, disant ne pas détenir de preuve qu'Al-Balaoui, qui est bien un de ses agents secrets, est l'auteur de l'attentat de mercredi dernier.