Six autres membres d'Al-Qaeda ont été arrêtés au Yémen hier, dont un chef local à l'origine de menaces contre l'ambassade américaine à Sanaa, a affirmé hier le ministère yéménite de l'Intérieur. Al-Qaeda dans la péninsule arabique, après avoir longtemps profité du laisser-aller du Yémen, se retrouve désormais traquée «24 heures sur 24», selon les autorités. Portrait de cette organisation meurtrière dirigée par un ancien assistant d'Oussama ben Laden.

Les attentats suicide à Riyad en 2003, c'était eux. La décapitation d'un ouvrier américain en Arabie Saoudite en 2004, encore eux. Le raid contre le consulat américain à Jedda et de l'ambassade à Sanaa, l'attaque du destroyer USS Cole en 2000, l'assassinat de touristes occidentaux... toujours eux. 

Al-Qaeda dans la péninsule arabique (AQPA) vient officiellement tout juste de fêter sa première année d'existence, mais sévit déjà depuis une dizaine d'années. Née de la fusion des branches d'Al-Qaeda en Arabie Saoudite et au Yémen en janvier 2009, la nouvelle cellule a trouvé au Yémen une base d'entraînement idéale dans un pays pauvre et corrompu, où le gouvernement en a déjà plein les bras avec la rébellion dans le sud et le nord du pays.

À la tête de l'organisation AQPA: le Yéménite Nasser Abdul Karim al-Wuhayshi, 33 ans, ancien assistant d'Oussama ben Laden en Afghanistan, qui a participé à la bataille de Tora Bora en décembre 2001.

À ses côtés, deux anciens détenus de Guantánamo qui avaient été relâchés après une thérapie de «déradicalisation»... Autour d'eux, plusieurs combattants d'une autre génération que celle qui sévit ailleurs au Moyen-Orient.

Plus jeunes, plus violents

«Ils sont plus jeunes, plus violents, moins disciplinés. Ils n'ont pas fait la guerre en Afghanistan dans les années 80. Ils viennent de l'Irak, du Pakistan, de l'Afghanistan», dit Bernard Haykel, spécialiste du Moyen-Orient à l'Université Princeton, joint hier par La Presse.

Ils seraient, selon certaines sources, de 50 à 300 au Yémen, «mais personne ne le sait vraiment», dit M. Haykel. «Sont-ils une menace pour la race humaine? Non. Mais sont-ils une menace pour le Yémen et l'Arabie Saoudite? Oui. Ils ont quand même essayé de tuer le vice-premier ministre d'Arabie Saoudite.»

La fusion des cellules saoudiennes et yéménites aurait permis de réunir Saoudiens exilés au Yémen et combattants locaux pour mener des attaques communes dans la région, surtout en Arabie Saoudite.

La cellule AQPA a fait ses premiers dégâts en 2003 à Riyad avec des attentats suicide simultanés qui ont fait une trentaine de morts.

«Contrôlé par d'autres musulmans»

Ce fut le début d'une longue série d'attaques contre le royaume saoudien, ennemi juré d'Al-Qaeda. En août, la cellule a mené un attentat - raté - contre un prince saoudien responsable de la lutte antiterroriste.

L'Arabie Saoudite a répliqué plusieurs fois par les armes contre Al-Qaeda. Pour Bernard Haykel, les Américains ne devraient pas y ajouter les leurs.

«Je crois qu'il n'y a pas de solution militaire à ce problème, surtout pas américaine, dit-il. C'est un groupe radical islamiste qui peut être maté et contrôlé par d'autres musulmans de la région. Je ne suis pas convaincu que des attaques comme celles au Pakistan avec des drones peuvent régler le problème, au contraire. Je crois que ça peut radicaliser la population et aider Al-Qaeda.»