Pour la première fois depuis la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad en juin, la télévision d'État iranienne a commencé à donner la parole à l'opposition, dans l'espoir de dénouer l'une des plus graves crises politiques de la République islamique.

Depuis une semaine, la télévision organise un soir sur deux, à une heure de grande écoute, des débats entre partisans du président Ahmadinejad et de l'opposition. De tels débats avaient été réclamés ces derniers mois par plusieurs figures de l'opposition, dont l'ex-président Ali Akbar Hachémi Rafsandjani et l'ex-premier ministre Mir Hossein Moussavi, pour dénouer la crise qui secoue le régime depuis la présidentielle du 12 juin.

Jusqu'à présent, le pouvoir avait tenté de museler par la répression ou l'intimidation les critiques et manifestations d'une partie de l'opposition qui refuse toujours de reconnaître la réélection de M. Ahmadinejad, jugée entachée de fraudes massives.

Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées et des centaines d'autres arrêtées, parmi lesquelles de nombreux responsables réformateurs, journalistes ou intellectuels, dont l'opposition réclame également la libération pour sortir de la crise.

L'un des premiers débats a opposé le député réformateur Mostapha Kavakebian et le patron du quotidien ultraconservateur Kayhan, Hossein Shariatmadari.

«Si on accuse tous les anciens présidents d'être liés aux États-Unis ou d'être les chefs d'une conspiration, il ne reste plus personne» pour soutenir le pouvoir, a lancé M. Kavakebian.

L'aide dure du régime présente régulièrement les ex-présidents Rafsandjani et Mohammad Khatami ainsi que M. Moussavi et l'ancien président du Parlement, Mehdi Karoubi, comme les «chefs d'une conspiration» contre le pouvoir.

Lors d'un débat suivant, l'ex-député réformateur Javad Ettaat a dénoncé la répression des manifestations lors de la journée de deuil religieux de l'Achoura, le 27 décembre, qui a fait huit morts et des centaines de blessés.

«Si siffler et taper dans ses mains le jour d'Achoura est une erreur, frapper les gens est pire et les tuer est une faute encore plus grande», a déclaré M. Ettaat.

C'est la première fois depuis sept mois que de telles critiques sont exprimées à la télévision d'État, qui assimilait jusque là les manifestants et dirigeants de l'opposition à des agents de l'étranger désireux de renverser le régime.

«L'organisation de ces débats va permettre de calmer l'opposition et de marginaliser les éléments anti-islamiques qui veulent tirer profit de la situation», estime le député conservateur Ali Motahari.

La télévision a promis de continuer ces débats.

«Ces débats étaient intéressants, j'espère qu'il y en aura d'autres car je suis sûre de les regarder», affirme Manijeh, une employé de bureau qui refuse de donner son nom de famille.

«L'un des aspects importants de ces débats est de couper l'herbe sous le pied des chaînes satellitaires en persan comme la BBC et la Voix de l'Amérique (VOA)», relève M. Kavakebian.

Depuis le début de la crise, l'audience de ces deux chaînes a augmenté au détriment de la télévision d'État, et les autorités les accusent de jouer un rôle actif dans l'organisation du mouvement de protestation.

Sur le plan politique, «la poursuite de tels débats pourra préparer la venue de Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi» sur le petit écran, espère le député modéré Ghodratollah Ali-Khani.

Les deux candidats battus lors du scrutin de juin «pourraient être invités et dire ce qu'ils ont à dire, ce qui ouvrirait la voie à la réconciliation nationale», confirme M. Motahari.