Après une brève accalmie, les projecteurs sont à nouveau braqués sur l'Iran. Sur la scène internationale, les velléités nucléaires du gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad continuent d'inquiéter. À l'interne et dans la diaspora iranienne, plusieurs retiennent leur souffle alors qu'une nouvelle confrontation se prépare entre les autorités et le mouvement populaire d'opposition. Dans les deux cas, une question: jusqu'où ira le régime islamique?

Un bandeau noir sur les yeux. Une corde autour du cou. Comme une trentaine de Montréalais d'origine iranienne, Hossein Sharang a revêtu ce sinistre accoutrement hier midi. Le but: manifester contre les récentes exécutions de prisonniers politiques en Iran. Le résultat: le réveil de vieux fantômes.

 

Aux débuts des années 80, l'écrivain de Kerman, une ville du sud de l'Iran, est venu à Montréal pour échapper au pire. Arrêté trois fois par le régime des ayatollahs qui tentait à l'époque de consolider son pouvoir, Hossein Sharang aurait pu finir sur l'échafaud comme son meilleur ami. Comme des milliers de jeunes Iraniens, exécutés dans les années qui ont suivi la révolution de 1979. Comme les deux jeunes hommes pendus la semaine dernière à Téhéran.

«Ces jours-ci, beaucoup d'entre nous vivent dans un flash-back permanent, a-t-il raconté à La Presse hier en marge de la manifestation qui se déroulait devant le complexe Desjardins, au centre-ville de Montréal. Pendant des années, la brutalité du régime iranien a été cachée. Là, elle éclate au grand jour. C'est un vrai strip-tease de brutalité», dénonce-t-il.

Beaucoup d'Iraniens de la diaspora craignent que le régime de Téhéran renoue avec les exécutions massives d'antan afin de faire taire le mouvement d'opposition qui lui tient tête depuis juin dernier et qui planifie sortir à nouveau dans les rues le 11 février, jour du 31e anniversaire de la révolution iranienne.

Répression graduelle?

Des organismes internationaux qui surveillent de près le dossier des droits humains en Iran ont d'ailleurs remarqué que la répression politique, loin de perdre son souffle, s'amplifie de jour en jour.

Dans la foulée des manifestations qui ont suivi la réélection contestée du président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad, les autorités ont arrêté plus de 4000 opposants, selon Amnistie internationale. Près d'un millier d'entre eux auraient été arrêtés lors des récentes manifestations de l'Achoura. Dans un rapport publié cette semaine, le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) souligne que l'Iran vient tout juste de briser le record du nombre de journalistes détenus simultanément. Le 1er février, ils étaient 47 derrière les barreaux.

Après avoir fait subir des procès-spectacles à des centaines d'opposants à la fin de l'année dernière, la justice iranienne est passée à une autre étape la semaine dernière en exécutant à Téhéran deux hommes qu'elle a reliés directement aux manifestations des derniers mois.

Cette semaine, un haut responsable de la justice iranienne a annoncé que neuf autres exécutions d'opposants sont imminentes. Les condamnés à mort sont tous accusés d'avoir agi «contre la volonté de Dieu» et d'avoir des liens avec des organisations contre-révolutionnaires.

Beaucoup d'autres détenus attendent leur procès ou leur verdict. Parmi eux, Omid Montazeri, un journaliste trentenaire dont le père a été exécuté en 1988 pour ses activités politiques et dont la mère, une militante pacifiste, est aussi en prison.

«En manifestant ici, on veut faire connaître le sort des prisonniers politiques aux Montréalais. Tout le monde a entendu parler des manifestations de l'été dernier, mais les gens ignorent pour la plupart que la répression se poursuit», a dit hier Shireen Soofi, une étudiante de McGill qui s'était jointe aux rangs des manifestants irano-montréalais. Ces derniers promettent d'être au poste tous les midis jusqu'au 11 février. «C'est le moins qu'on puisse faire», croit Hossein Sharang.

 

Perreault, Laura-JulieAhmadinejad, bourreau ou anti-impérialiste?

Depuis juin dernier, les Montréalais d'origine iranienne organisent fréquemment des manifestations en appui au mouvement d'opposition iranien. Chaque fois, ils font le même constat: peu de militants de gauche d'autres origines se joignent à eux. Hier, le porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir, a tenté d'expliquer le phénomène. «Beaucoup de progressistes considèrent que Mahmoud Ahmadinejad a une position anti-impérialiste dans le dossier du nucléaire. Ces mêmes personnes craignent de s'associer à une révolution de velours financée par des pays étrangers. Mais pour nous, il est clair que le mouvement d'opposition iranien est un mouvement populaire, indépendant.»