Le prix Nobel de la paix de 2003, l'avocate iranienne Shirin Ebadi, a lancé vendredi à Genève un appel aux Nations unies pour qu'elles aident «à rétablir la paix en Iran, à éteindre l'incendie».

«Cela fait maintenant huit mois que le gouvernement (iranien) refuse d'entendre le peuple. Il est temps qu'il entende le peuple, sinon demain il sera trop tard, demain il y aura une tragédie», a mis en garde Mme Ebadi au cours d'une réunion d'information au siège européen de l'ONU, où la situation en Iran doit être examinée lundi prochain par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU.

«Je suis sûre que le peuple vaincra et que la démocratie arrivera en Iran (...) mais c'est un processus qui peut durer deux mois, deux ans ou six ans... je ne peux pas dire combien de temps», a déclaré Mme Ebadi, qui a demandé au Conseil des droits de l'homme de désigner un rapporteur spécial pour suivre la situation en Iran.

Grâce à un dispositif policier considérable, les autorités sont parvenues jeudi à circonscrire les manifestations hostiles au président Mahmoud Ahmadinejad à l'occasion de la célébration du 31e anniversaire de la Révolution islamique.

L'avocate iranienne s'est déclarée «opposée à des attaques militaires ou à des sanctions économiques» mais a réclamé des «sanctions politiques» contre le régime de Téhéran.

Le Prix Nobel de la paix 2003 a ainsi recommandé de baisser le niveau des relations diplomatiques avec le régime de Téhéran, de cesser de refuser des visas «aux citoyens ordinaires» et de rejeter en revanche les demandes de visa des fonctionnaires.

Interrogée sur le projet de voyage en mai à Téhéran du président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva, l'avocate iranienne a demandé qu'il «rencontre aussi les familles des gens arrêtés, les militants des droits de l'homme et les journalistes indépendants».

Le pouvoir iranien, a-t-elle dit, «peut contourner les sanctions économiques avec l'aide de la Chine et de la Russie, et seul le peuple en souffre». En revanche, elle a demandé de ne pas fournir à Téhéran des armes ou du matériel pouvant servir à la répression des opposants.

À ce sujet, elle a dénoncé la livraison par les groupes de matériel informatique et de communication Nokia et Siemens de «logiciels permettant de surveiller les conversations téléphoniques et les échanges électroniques». «Des gens ont été arrêtés à cause de ces logiciels», a-t-elle déploré.

L'ampleur de la mobilisation de l'opposition de jeudi est difficile à estimer, les autorités ayant paralysé l'Internet utilisé par les opposants pour communiquer, brouillé les émissions des télévisions venant de l'extérieur, et interdit aux rares journalistes travaillant pour des médias étrangers de se rendre sur le terrain.

Des manifestations à répétition de l'opposition, qui conteste la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad, ont entraîné des dizaines de morts et des milliers d'arrestations dans tout l'Iran depuis huit mois. La répression exercée par le pouvoir, qui a exécuté deux opposants et en a condamné dix à mort, n'a pas jusqu'ici réussi à entamer la détermination des protestataires.

Les «manifestations pacifiques ont reçu comme réponse l'agression et la violence», a dénoncé l'avocate iranienne. Le pouvoir «arrête les proches des opposants, les prend en otages», a dénoncé Mme Ebadi dont la propre soeur a été arrêtée et n'a été libérée qu'après trois semaines de détention.

Le Prix Nobel de la paix vit actuellement en exil mais, «en réalité, pas à Londres, mais dans les aéroports du monde entier» où, a-t-elle dit à l'AFP, elle passe le plus clair de son temps pour aller d'une capitale à l'autre afin de dénoncer la répression en Iran.