L'Iran «bluffe» sur le nucléaire en défiant les Occidentaux qui ne devraient pas s'engager dans des négociations susceptibles de renforcer le régime fragilisé du président Mahmoud Ahmadinejad, estiment des experts interrogés à Paris par l'AFP.

L'Iran a annoncé cette semaine avoir lancé la production d'uranium hautement enrichi, à des fins de recherche, malgré les protestations des puissances occidentales qui soupçonnent Téhéran de chercher à se doter de l'arme nucléaire sous couvert de son programme civil.

La France, qui assure la présidence tournante du conseil de sécurité de l'Onu, prépare une résolution qui, si elle est adoptée, imposerait des sanctions drastiques à l'Iran, a indiqué une source haut placée à Paris.

Selon des experts, le président iranien Mahmoud Ahmadinejad exagère les capacités nucléaires de son pays pour renforcer sa position en cas de négociations avec les Occidentaux et consolider sa position fragilisée sur le plan intérieur.

«Les experts sont unanimes pour estimer que l'Iran n'a pas la capacité d'enrichir l'uranium à 20%», affirme Karim Pakzad, chercheur à l'IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques) à Paris.

«En termes politiques Ahmadinejad bluffe parce que le gouvernement iranien est fragilisé à l'intérieur du pays», estime-t-il.

Trente et un ans après la révolution islamique, le régime fait face à des manifestations populaires sans précédent organisées par une opposition diffuse.

Les capitales occidentales verraient d'un bon oeil la fin de ce régime en espérant que le suivant sera plus disposé à un règlement négocié sur le dossier nucléaire.

La semaine dernière, Téhéran est parvenu à empêcher l'opposition de perturber les défilés du 31ème anniversaire de la Révolution islamique, faisant s'éloigner la perspective d'un renversement du gouvernement par la «révolution verte».

La répression des manifestations pourrait amener de nombreux pays à conclure que le gouvernement n'est pas en danger et que le président américain Barack Obama et ses alliés feraient mieux de conclure un accord avec les dirigeants iraniens actuels.

Mais d'autres estiment que cela se révéler inutile si le régime ne tient pas ses promesses ultérieurement, voire contre-productif si l'impression que l'Iran tient la dragée haute à l'Occident renforçait la position d'Ahmadinejad sur la scène intérieure.

«Ahmadinejad a envie de conclure avec les Américains. Il l'a dit à plusieurs reprises et il s'est fait taper sur les doigts par tout le monde, parce que personne ne veut lui laisser le bénéfice d'une réconciliation avec les Américains, qui lui apporterait une popularité immédiate et lui permettrait de se refaire une santé politique», estime François Nicoullaud, ex-ambassadeur de France à Téhéran entre 2001 et 2005.

«Personne, même au sein du régime, ne veut lui faire ce cadeau».

«Ahmadinejad annonce de grand programmes qu'il n'arrivera pas à réaliser, ni la construction de dix centrales d'enrichissement qu'il a annoncée il y a quelques semaines, ni la fabrication du combustible pour son réacteur de recherche», estime le diplomate français.

Selon lui, «l'Iran ne développera jamais un programme nucléaire sérieux sans coopération internationale, même militaire».

«D'un autre côté, l'Occident agite des sanctions dont il sait qu'elles ne seront pas efficaces, dans tous les cas à court ou moyen terme. On est dans un jeu curieux, l'un annonçant des programmes irréalisables, et l'autre agitant des sanctions plutôt inefficaces», conclut-il.