Les talibans afghans ont démenti mardi auprès de l'AFP l'information du New York Times selon laquelle le mollah Abdul Ghani Baradar, que le quotidien américain présente comme le chef militaire des insurgés islamistes, aurait été arrêté au Pakistan. 

«Les rumeurs rapportées aujourd'hui sur l'arrestation du mollah Baradar sont absolument fausses, c'est un gros mensonge», a déclaré Yousuf Ahmadi, un des porte-parole habituels du commandement des talibans, dans un entretien téléphonique avec l'AFP depuis un lieu inconnu.

«Il est en ce moment en Afghanistan, où il dirige toutes les activités du jihad (la «guerre sainte»), il est avec nous et nous sommes en contact avec lui», a-t-il ajouté.

Lundi soir, l'édition électronique du New York Times (NYT) affirmait que le mollah Abdul Ghani Baradar, avait été capturé lors d'une opération secrète conjointe des services de renseignements américains et pakistanais à Karachi, au Pakistan. 

Abdul Ghani Baradar a été arrêté il y a plusieurs jours et est actuellement interrogé au Pakistan, rapportait le NYT, citant des responsables américains. Les interrogatoires sont menés par les services pakistanais, mais des Américains y participent, selon le quotidien.

Le mollah Baradar est décrit par les sources du journal comme la personnalité la plus importante arrêtée depuis le début de la guerre en Afghanistan, fin 2002, et comme le No2 des talibans afghans, derrière leur fondateur le mollah Omar, proche d'Oussama ben Laden.

Des responsables américains non identifiés ont indiqué au NYT espérer que cette capture conduise à d'autres hauts responsables talibans, notamment le mollah Omar.

Les détails de l'arrestation restaient peu clairs, mais elle a été menée par l'agence de renseignements pakistanaise, l'ISI (Inter-Services Intelligence), et des agents de la CIA, la centrale de renseignement américaine, selon le journal, qui note que cette opération conjointe semble indiquer un nouveau niveau de coopération de la part des responsables pakistanais dans la lutte anti-talibans.

Le journal dit avoir appris l'arrestation d'Abdul Ghani Baradar jeudi, mais avoir reporté son annonce à la demande de la Maison-Blanche afin de ne pas compromettre une récolte fructueuse de renseignements. Il a finalement publié son article après que des responsables américains eurent admis que l'arrestation était désormais largement connue dans la région.

 

Ni confirmation, ni démenti d'Islamabad 

Le ministre pakistanais de l'Intérieur a éludé mardi les questions sur la réalité de l'arrestation du chef militaire des talibans afghans annoncée par les médias américains, tout en qualifiant de «propagande» l'hypothèse selon laquelle la CIA y aurait participé.

«Nous vérifions tous ceux que nous avons arrêtés, s'il y a une cible importante (parmi eux), je le rendrai public», a-t-il promis aux journalistes qui le pressaient de questions à la sortie du Parlement.

Membre fondateur des talibans

Selon les analystes interrogés au Pakistan et en Afghanistan, la perte du bras droit du mollah Mohammad Omar, si elle se confirmait, constituerait un grave revers pour les talibans.

«C'est un ami proche du mollah Omar et ils sont de la même génération. Il faisait partie de la trentaine de personnes considérées comme les fondateurs du mouvement taliban», explique Rahimullah Yusufzai, un expert pakistanais des talibans.

«C'était une personne engagée et à laquelle Omar faisait confiance. Il l'avait nommé chef militaire des talibans. Il était membre du conseil suprême des talibans, le conseil formé, des dix à douze personnes les plus loyales, et dirigé par le mollah Omar», ajoute M. Yusufzai.

Né dans la province d'Uruzgan, dans le sud de l'Afghanistan, et appartenant à la tribu des Popalzai -une influente tribu pachtoune-, Abdul Ghani Baradar a d'abord combattu les Soviétiques dans les années 80 avec le soutien des Américains et des Pakistanais.

Quand les talibans prirent le pouvoir à Kaboul en septembre 1996, le mollah Omar fit appel à lui. Baradar devint alors vice-ministre de la Défense.

Après la chute en novembre 2001 des islamistes accusés d'avoir donné refuge aux militants d'Al-Qaeda responsables des attentats du 11 septembre, des centaines de talibans auraient fui au Pakistan voisin.

Selon Interpol, le mollah Baradar, âgé de 42 ans, appartient depuis mai 2007 à la «Choura de Quetta», une assemblée de chefs tribaux dans le sud du Pakistan.

Le commandement taliban est basé dans cette ville de la province pakistanaise du Baloutchistan, ce que démentent toutefois les autorités pakistanaises.

Selon la presse américaine, Baradar est le numéro deux ou le numéro trois de la Choura de Quetta.

Il figure sur la liste des talibans qui font l'objet de sanctions de la part de l'ONU qui a ordonné le gel de leurs avoirs et les a interdit de déplacements. Il pourrait s'être trouvé dernièrement dans les régions frontalières entre le Pakistan et l'Afghanistan.