Il y a encore dix jours, Mohammad Omar menait une vie paisible de paysan dans le sud de l'Afghanistan. Les talibans contrôlaient certes son village, mais ses champs de pavot fleurissaient. Tout a changé avec l'arrivée des soldats afghans et étrangers.

Avec le départ des talibans, qui contrôlaient depuis deux ans ce coin de la vallée du Helmand, l'avenir de ce fermier d'une quarantaine d'années, et celui de ses champs de pavot, est des plus flous.

«La sécurité était parfaite sous les talibans. Personne ne pouvait voler sans être puni immédiatement», dit Mohammad Omar, sous le soleil hivernal, à Haji Qari Saheb, dans le district de Nad Ali.

Et il se demande ce que le gouvernement afghan peut proposer d'aussi bien que les talibans.

C'est dans cette zone, et dans le district voisin de Marjah, que 15 000 soldats de l'OTAN et de l'armée afghane ont lancé le 13 février une vaste offensive visant à déloger les talibans de la région.

Le président afghan Hamid Karzaï et ses soutiens occidentaux ont promis d'apporter sécurité et prospérité dans les zones contrôlées jusque là par les insurgés.

«Il ne s'agit pas de tuer le maximum de talibans», avait assuré le ministre de la Défense Abdul Rahim Wardak au début de l'offensive.

«Il faut séparer les habitants des insurgés, étendre la gouvernance et poser les fondations pour des projets de reconstruction», avait-il ajouté.

L'opération Mushtarak (Ensemble, en dari) comprend une phrase militaire, qui pourrait durer encore plusieurs semaines, et une phrase d'instauration d'une administration (émanation d'un État qui lui-même n'est qu'embryonnaire).

Le gouvernement assure avoir tiré les leçons du passé quand les troupes faisaient fuir les talibans qui attendaient patiemment le retrait des soldats de l'OTAN et de l'armée afghane pour revenir et reprendre le contrôle de leur territoire.

Mais à Haji Qari Saheb, un hameau de maisons rudimentaires entouré de champs de pavot, les habitants ont aussi tiré les leçons du passé.

«Je n'aime pas la police», dit Khaksar. «Ils nous volaient, intimidaient nos jeunes, nous prenaient nos motos. Nos jeunes avaient tellement peur qu'ils n'osaient pas sortir de chez eux», assure cet habitant. 

«Je préfère les talibans aux policiers. Nous avons souffert de la présence de la police, nous n'en voulons pas, ce sont des voleurs», dit-il.

La méfiance à l'égard de la police, et par extension à l'égard du gouvernement, sera difficile à surmonter, pour l'analyste politique Haroun Mir.

«L'incapacité du gouvernement à établir puis consolider une bonne gouvernance dans les villes et villages reculés était l'une des principales raisons de la résurgence des talibans», explique M. Mir.

Le lancement d'un programme financé par les États-Unis pour l'éradication du pavot avait également favorisé la popularité des talibans auprès d'une population dont la culture de l'opium est le seul moyen de subsistance.

«Tout le monde produit de l'opium. Je suis inquiet. Les talibans n'avaient rien contre l'opium. De fait, ils nous encourageaient même à en produire», dit Khaksar.

L'Afghanistan est le premier producteur mondial d'opium. La majorité de sa production provient de la province du Helmand et génère 2,8 milliards de dollars par an.

«Nous allons éradiquer l'opium à Marjah et Nad Ali une fois que la sécurité et les autorités seront instaurés», déclare Zalmaï Afzali, un porte-parole du ministère de la lutte antidrogue.