Les relations entre Israël et les États-Unis sont-elles vraiment «au plus bas depuis 1975», comme l'aurait déclaré Michael Oren, ambassadeur d'Israël à Washington?

Selon la presse israélienne, le diplomate aurait fait cette déclaration à des collègues au cours d'une conférence téléphonique durant laquelle il évoquait la colère de l'administration Obama à la suite de l'annonce par Israël, durant la visite récente du vice-président Joseph Biden, de la mise en chantier d'un projet de colonisation à Jérusalem-Est.

Mais Aaron David Miller, ex-négociateur américain du Proche-Orient, préfère parler d'un «problème sérieux» entre les deux alliés. Il ne croit pas qu'il s'agisse d'une «crise d'envergure historique» comparable à celle qui avait suivi les pressions américaines pour qu'Israël se retire du Sinaï, deux ans après la guerre du Yom Kippour.

«Les tensions actuelles se comparent davantage à celles qui avaient opposé en 1991 le gouvernement d'Ytzhak Shamir au premier président Bush et à son secrétaire d'État, James Baker», a déclaré Miller. Il faisait allusion à la décision de Washington de geler jusqu'aux élections de 1992 une garantie de prêts bancaires de 10 milliards de dollars accordée à un taux avantageux à Israël.

Comme l'administration actuelle, celle de George Bush père était déterminée à enrayer la colonisation en territoires palestiniens. Pendant le week-end dernier, la secrétaire d'État Hillary Clinton a qualifié d'«insultante» l'attitude israélienne à l'égard du vice-président Biden, qui se trouvait en Israël pour relancer les négociations de paix entre Israël et les Palestiniens. L'un des principaux conseillers de la Maison-Blanche, David Axelrod, a pour sa part parlé d'«insulte» et d'«affront».

Appel au calme de Nétanyahou

Contrairement à son ambassadeur à Washington, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou a tenté de minimiser dimanche la portée du désaccord. «Je suggère que nous gardions notre calme et que nous ne nous énervions pas», a-t-il déclaré lors de la réunion hebdomadaire de son cabinet, au lendemain d'un entretien téléphonique de 43 minutes avec une Hillary Clinton fort mécontente. «Il s'agit d'un incident regrettable», a-t-il ajouté.

Mais le premier ministre Nétanyahou a répété hier qu'il n'était pas question de renoncer aux constructions à Jérusalem-Est. Et s'il n'a pas critiqué l'administration Obama, d'autres l'ont fait à sa place aux États-Unis, dont l'influent lobby pro-israélien AIPAC (American Israel Public Affairs Committee).

Les propos de l'administration Obama «concernant les relations entre les États-Unis et Israël sont un sérieux sujet d'inquiétude», a déclaré l'AIPAC dans un communiqué.

«L'AIPAC appelle l'administration à prendre des mesures immédiates pour apaiser la tension avec l'État hébreu», a ajouté le groupe.

Aaron David Miller, qui est aujourd'hui rattaché à l'Institut Woodrow Wilson, à Washington, estime de son côté que le gouvernement israélien mérite une bonne part du blâme. Selon lui, l'annonce du projet de colonisation durant la visite du vice-président Biden «est un geste incompétent et virtuellement incompréhensible». Cela dit, il est très loin d'absoudre l'administration Obama.

«Le problème de l'administration Obama est qu'elle a parlé en termes extrêmement durs, a dit Miller lors d'un entretien téléphonique. Si le premier ministre Nétanyahou ne trouve pas une façon de désamorcer la situation, l'administration devra faire quelque chose ou révéler sa faiblesse. C'est une situation très douloureuse.»