Ne parvenant plus à monter de complexes attaques coordonnées contre l'Occident, le réseau Al-Qaeda en est réduit à revendiquer toutes les initiatives individuelles prises au nom du jihad international, estiment officiels et analystes.

C'est un aveu de faiblesse mais aussi la preuve d'un opportunisme et d'une capacité d'adaptation qui représente un nouveau danger, ajoutent-ils.

Soumis à une forte pression militaire par l'armée pakistanaise et les drones américains dans son ancien sanctuaire de la frontière pakistano-afghane, le réseau fondé par Oussama ben Laden est actuellement trop préoccupé par sa survie pour organiser un complot d'envergure.

«Même s'ils sont protégés par certains éléments des services pakistanais, ils ont un vrai problème de main d'oeuvre et de moyens», assure à l'AFP Alain Chouet, ancien chef du service «Renseignement de sécurité» à la DGSE (renseignements extérieurs français).

«Ils n'ont pas assez d'hommes, pas de moyens de communications (...) Alors c'est un peu n'importe où, un peu n'importe comment, du moment que c'est une attaque. Et depuis le Pakistan, vous avez deux ou trois rigolos qui revendiquent, sans que l'on parvienne à mettre en évidence les liens qui existent entre les uns et les autres».

Ainsi, même s'il a échoué à faire sauter l'avion dans lequel il était monté avec de l'explosif, le Nigérian Umar Farouk Abdulmutallab a été qualifié «d'héroïque combattant» par ben Laden qui a assuré que son acte était «la confirmation des messages précédents envoyés par les héros du 11 septembre».

Et le psychiatre militaire américain d'origine palestinienne Nidal Hasan, qui a tué seul treize soldats sur la base de Fort Hood en novembre 2009, est donné, dans les harangues d'Al-Qaeda et sur les forums jihadistes, en exemple à imiter.

Pour le chercheur français Jean-Pierre Filiu, auteur notamment des Neufs vies d'Al Qaïda, «si un individu isolé passe à l'acte, il est certain que le réseau se l'attribuera pour magnifier son bilan et sa capacité de nuire».

«Et quel que soit le degré d'insertion de la personne en question dans la mouvance jihadiste, on aura tendance à l'assimiler à une menace globale», ajoute-t-il.

Selon Alain Chouet, «revendiquer tout ce qui se passe, c'est garder une certaine importance, garder quelques généreux donateurs et continuer d'exercer une certaine influence en attendant que cela aille mieux».

Les médias et les officiels occidentaux, souvent prompts par facilité de langage à coller l'étiquette «Al-Qaeda» sur toute attaque ayant un rapport avec l'islamisme radical, facilitent la tâche du réseau et tombent ainsi dans le panneau, estiment ces deux experts.

Mais s'il est certain que des volontaires isolés n'ont aucune chance de parvenir à refaire un autre 11 septembre, leur isolement même pose un problème aux services de renseignements internationaux qui peinent à les infiltrer ou les détecter.

«C'est à partir du moment où ils entrent en relation avec une organisation, par des voyages ou des communications, qu'ils deviennent repérables», ajoute Jean-Pierre Filiu. «Le vrai cauchemar, c'est le loup complètement solitaire, parce que là, par définition, il n'y a rien pour alerter».

Pour Dennis Blair, directeur du renseignement américain, «la tragique violence à Fort Hood illustre notre inquiétude sur les dommages qu'un individu ou un petit nombre d'extrémistes locaux peuvent infliger s'ils ont la volonté d'agir et les accès».

Interrogé à la mi-mars par le Congrès américain, Garry Reid, haut fonctionnaire du Pentagone chargé des opérations spéciales et de la lutte antiterroriste, avait souligné que ces complots de taille plus modeste «nous posent un problème pour les détecter et agir. Plus c'est compact, plus c'est difficile pour nous».