«Sous le couvert de l'obscurité, les commandos israéliens ont sauté d'hélicoptère sur le ferry turc Mavi Marmara et commencé à tirer au moment où ils ont touché le pont», selon des militants témoins de l'assaut contre la flottille internationale se dirigeant vers Gaza.

Ces récits, recueillis grâce à d'ultimes communications téléphoniques avant que les bateaux ne soient réduits au silence, contredisent la version israélienne qui impute l'initiative des violences aux activistes à bord de la flottille.

Selon l'armée israélienne, au moins neuf passagers ont été tués dans l'assaut et sept soldats blessés, dont deux grièvement.

«Ils ont tiré directement sur la foule de civils endormis», a accusé le mouvement Free Gaza, organisateur de la «flottille de la liberté», dans un communiqué sur son site internet, après l'abordage du Mavi Marmara, le «navire amiral» turc. Le Mavi Marmara transportait plusieurs centaines de personnes.

L'opération, qualifiée d'acte de «piraterie» par les Palestiniens, s'est déroulée dans les eaux internationales, bien avant la limite des 20 milles définissant les eaux territoriales au large de la bande de Gaza.

«Nous n'avons plus été en mesure de joindre qui que ce soit à bord depuis 03H30 du matin», a déclaré à l'AFP Greta Berlin, une des organisatrices. «Le dernier message que nous avons reçu était: "Tout est calme, les navires de guerre israéliens sont sur notre poupe, allons dormir"».

L'armée israélienne a lancé l'assaut vers 04H00, à partir de trois hélicoptères appuyés par des bateaux, selon un haut responsable militaire israélien.

«Je vous appelle en cachette, des centaines de soldats israéliens ont attaqué la flottille de la liberté et les passagers du bateau à bord duquel je me trouve se comportent avec beaucoup de courage», a raconté un témoin, le journaliste de la chaîne qatariote Al-Jazira Abbas Nasser, dans sa dernière intervention téléphonique, avant l'interruption brutale de la communication.

Un membre des commandos de marine israéliens a raconté que son unité avait été attaquée dès son arrivée sur le bateau. «Ils nous ont frappés à coups de barres métalliques et de couteaux», a-t-il expliqué, ajoutant: «A un moment, nous avons essuyé des tirs à balles réelles».

Plusieurs soldats ont été projetés du pont supérieur vers le pont inférieur et ont dû sauter à l'eau pour se sauver, a-t-il affirmé, précisant que les assaillants étaient au nombre d'une trentaine et parlaient arabe.

«Je suis descendu et j'ai vu de la folie dans leurs yeux», a déclaré un des soldats à des journalistes dans le port d'Ashdod (sud d'Israël) où les six navires de la flotille ont été conduits sous escorte.

«J'étais armé d'un pistolet de paintball, sans aucune autre arme. C'était un jouet pour un môme de 12 ans. Nous n'étions pas venus pour la guerre, simplement pour leur dire de s'arrêter, et rebrousser chemin», a témoigné le commando.

L'armée israélienne a diffusé des images prises par ses services sur lesquelles on peut voir au moins six passagers levant leur matraque à plusieurs reprises et frappant apparemment quelqu'un au sol, ainsi qu'un militaire israélien projeté par deux activistes vers le pont inférieur.

Des images du bateau turc, diffusées par les télévisions internationales et sur internet, montrent des commandos israéliens en noir hélitreuillés et des affrontements avec des militants pro-palestiniens. On y voit également des blessés gisant sur le pont et une femme voilée emmenée sur un brancard.

«Les images ne sont pas sympathiques, je ne peux qu'exprimer mon regret pour tous les morts», a reconnu le ministre israélien de l'Industrie et du Commerce Binyamin Ben Eliezer.

Après cet assaut sanglant, désastreux en termes d'image pour Israël, le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a décidé d'écourter son séjour au Canada et d'annuler son voyage à Washington où il devait rencontrer mardi le président Barack Obama.

M. Nétanyahou a néanmoins assuré les forces armées israéliennes de son «soutien total».

La Maison-Blanche a affirmé que les États-Unis «regrettent les pertes en vies humaines» mais veulent connaître les circonstances de la «tragédie».

Des images tournées depuis le Mavi Marmara, mises en ligne sur internet, montrent des commandos vêtus de noir descendre d'hélicoptère sur le navire, puis des affrontements avec les militants pro-palestiniens à bord, ainsi que des personnes blessées étendues sur le pont.

«Sous le couvert de l'obscurité, les commandos israéliens ont sauté d'hélicoptère sur le cargo turc et commencé à tirer au moment où leurs pieds ont touché le pont», selon un récit mis en ligne sur le site du mouvement Free Gaza, à l'initiative de ce convoi qui acheminait des centaines de militants pro-palestiniens et des tonnes d'aides vers Gaza.

L'armée a indiqué que les violences s'étaient limitées aux bateau turc et qu'aucun incident ne s'était produit dans les cinq autres bateaux.

«Nous avons fait tous les efforts possibles pour éviter cet incident. Les militaires avaient reçu des instructions selon lesquelles il s'agissait d'une opération de police et un maximum de retenue devait être observé», a dit le porte-parole de M. Netanyahu, Mark Regev.

«Malheureusement, ils ont été attaqués avec une extrême violence par les gens sur le bateau, avec des barres de fer, des couteaux et des tirs à balles réelles», a-t-il souligné.

Le chef d'état-major de l'armée israélienne, le général Gaby Ashkenazi, a affirmé que sur le bateau Mavi Marmara «il y a eu une explosion de violence extrême dès que nos forces ont été à bord de ce bateau. C'était prémédité, et il y avait des armes, des barres de fer, des couteaux, et à un certain moment des armes à feu, peut-être subtilisées à des soldats».

En Grèce, où le gouvernement a annulé une visite du chef d'état-major de l'armée de l'air israélienne prévue mardi, une ONG faisant part à la flottille a indiqué qu'un bateau grec avait essuyé des tirs à «balles réelles» à partir d'hélicoptères et de canots gonflables israéliens.

Après l'assaut, les six bateaux ont être acheminés sous escorte vers Israël et tous étaient arrivés en début de soirée à Ashdod (sud d'Israël), dont le cargo turc Mavi Marmara, qui transportait plusieurs centaines de passagers.

À Gaza, le mouvement islamiste Hamas qui contrôle l'enclave palestinienne a appelé les Arabes et les musulmans à un «soulèvement» devant les ambassades d'Israël.

Plusieurs manifestations de protestation contre l'État hébreu se sont déroulées en Jordanie, au Liban, en Égypte, en Iran, à Gaza et en Turquie où plusieurs milliers de personnes manifestaient aux cris de «Mort à Israël!».

Le président palestinien Mahmoud Abbas a condamné le «massacre» et décrété trois jours de deuil en Cisjordanie et à Gaza.

Le Liban, actuel président du Conseil de sécurité, a qualifié le raid israélien de «fou» et appelé à la réunion d'urgence du Conseil. Une réunion spéciale de l'OTAN est prévue mardi à la demande d'Ankara et une réunion extraordinaire de la Ligue arabe est prévue le même jour.

L'ONU s'est dite «choquée» par l'assaut et l'Union européenne a demandé une «enquête complète». Les ambassadeurs israéliens dans plusieurs pays occidentaux et arabes ont été convoqués. 

Photo: AFP

Des images tournées depuis le bateau turc, mises en ligne sur internet, montrent des commandos vêtus de noir descendre d'hélicoptère sur le navire, puis des affrontements avec les militants.